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22/10/2014

Les fantasmes ont pas d'âge

le sage m'a dit     tu frimes tu te vautres dans la complaisance

tu es très occupé à t'engluer dans la réalité la plus quotidienne    et le reste du temps tu rêves à des clichés en croyant que ces rêves ont exactement

                                 ton âge

                                 ta taille

                                 tes artères

                                 tes bronches

mais les fantasmes n'ont pas d'âge

ni le tien ni celui de personne

la richesse

la gloire

les trucs humides et parfumés

ne sont pas ton histoire      c'est l'histoire tout court

tu ne feras pas de poésie avec ton inconscient

TOUT LE MONDE A À PEU PRÈS LE MÊME

tu ne feras pas de coup d'édition avec tes frustrations

TOUT LE MONDE SAIT À PEU PRÈS CE QU'IL FERA AVEC UN MILLION

quant à signer de ton nom

ce serait

              une violations des principes les plus élémentaires de l'honnêteté intellectuelle

et

              un abus de bien social

 

(bien qu'il faille reconnaître

que tu croises

beaucoup de philosophes déguisés

en clodo

pour un mec de ton âge et de ton milieu)

 

23/08/2014

Les doigts qui puent

j'aimerais écrire un poème sur les chevaux

un long poème

lyrique

rythmé

avec des consonnes plein les galops et le cliquetis des armes

avec des jeux de lumière sur l'écume au licol

des dents énormes

des croupes moirées

et des odeurs de foin

j'aimerais écrire un poème comme un hennissement

comme un souffle

comme on se cabre

comme on s'ébroue

le problème c'est que les chevaux ne sont

pas ce meuble altier qui vous effraie les Sarrazins en moins de deux

les chevaux s'en foutent de l'épopée

leur truc ce serait plutôt de vous croquer une phalange à l'heure de la pâtée piétiner le crâne quand vous ronflez bourrés

balancer leur queue dans les essaims de guêpes

(du moins pour l'expérience que j'en ai)

d'ailleurs

ceux qui aiment les chevaux

comme ceux qui aiment les chiens

comme ceux qui s'aiment eux-même à en glousser seuls sous les draps

doivent accepter de vivre avec les doigts qui puent

et ça

vraiment

c'est au-dessus de mes forces

 

24/07/2014

Ce que l'enquête a révélé

Il y a eu ce moment où l'assassin s'est laissé distraire.

Il a posé son bouquin, marqué la page avec le fil de la bouilloire électrique et il est allé à la fenêtre.

Il n'a rien vu à la fenêtre, à part les assistantes maternelles qui regardaient leur portable et les enfants qui s'amusaient à manger de la terre. 

L'assassin s'est refait un café. Il a compté les cuillères, rempli le réservoir avec un grand verre en plastique. Puis il est allé se rasseoir, a roulé une cigarette et repris son bouquin là où il l'avait laissé — tout ça avec fluidité, sans trembler, avec ses mains à lui.

Comme si c'étaient les mains de tout le monde.

Comme si on pouvait toucher une cafetière, une boîte à sucre ou un livre comme ça, simplement, en toute impunité. 

 

En sortant dans la rue il s'est mis à tituber. Il n'avait pas bu. Il avait de bonnes chaussures. Mais il s'est mis à tituber.

 

Il y a eu ce moment où l'assassin a pris peur.

Les gens marchaient. Il faisait beau. Les gens regardaient la transparence de l'air. Il y en avait même qui souriaient tout seuls.On aurait dit que l'air avait cessé de contenir le plomb et le monoxyde de carbone.

Ce n'était pas possible.

Il y a eu ce moment où l'assassin s'est demandé comment ces gens pouvaient penser à autre chose qu'à ça, rire et manger des glaces comme si ça n'était jamais arrivé, se tenir la main comme si ça ne devait recouvrir toutes les mains de la ville d'une pellicule visqueuse.

L'assassin a regardé ses mains. À cet instant, il était prêt à recommencer.

Un klaxon a résonné, un bruit de moteur beaucoup trop proche et le couteau de soleil d'un pare-choc chromé, la pensée de l'assassin s'est abolie le temps de se jeter sur le bas-côté.

La voiture a déboîté à 80 à l'heure.

Pendant une seconde, l'assassin a vécu la pure joie d'être toujours vivant.

Pendant cette seconde il a vécu exactement comme si ça n'avait pas existé.

Et puis un soleil pesant des tonnes lui a fait réaliser qu'on le voyait.

Et il a rentré la tête dans les épaules.