23/08/2014
Les doigts qui puent
j'aimerais écrire un poème sur les chevaux
un long poème
lyrique
rythmé
avec des consonnes plein les galops et le cliquetis des armes
avec des jeux de lumière sur l'écume au licol
des dents énormes
des croupes moirées
et des odeurs de foin
j'aimerais écrire un poème comme un hennissement
comme un souffle
comme on se cabre
comme on s'ébroue
le problème c'est que les chevaux ne sont
pas ce meuble altier qui vous effraie les Sarrazins en moins de deux
les chevaux s'en foutent de l'épopée
leur truc ce serait plutôt de vous croquer une phalange à l'heure de la pâtée piétiner le crâne quand vous ronflez bourrés
balancer leur queue dans les essaims de guêpes
(du moins pour l'expérience que j'en ai)
d'ailleurs
ceux qui aiment les chevaux
comme ceux qui aiment les chiens
comme ceux qui s'aiment eux-même à en glousser seuls sous les draps
doivent accepter de vivre avec les doigts qui puent
et ça
vraiment
c'est au-dessus de mes forces
08:00 Publié dans Gueules de bois | Tags : chevaux, épopée, doigts qui puent | Lien permanent | Commentaires (0)
09/06/2013
Taper, taper, taper
La vie est d'essence littéraire, y compris ma flemme et ma cirrhose.
Alors, ressers-moi un verre.
Ce que j'ai à dire à ce comptoir a intérêt à dépasser en connerie tout ce qu'on entend depuis quatre jours, sinon, ça ne sert à rien.
S'il-te-plaît, la petite soeur.
Parce que des fois, comme ça, les gens crèvent.
Des fois, comme ça, c'est en pleine rue.
Assassinés par des pots de fleurs, n'en déplaise à une certaine catégorie de collègues à moi. Ou tombés au combat pour un genre littéraire.
Quoi qu'il en soit, il faut des mots.
Des mots pour les cadavres. Conjurations et apaisement des âmes, la peur qu'elles nous tournent autour au-delà du délai prescrit.
Et aussi, résistance aux mots de l'extérieur.
Aux crachats endémiques.
Mais d'abord, perdre cette sale bidoche.
Perdre cette bidoche, c'est le sujet.
Parce que, justement, il est ici question de gens maigres.
De l'intransigeance des maigres.
Je dis MAIGRES. Je continuerait à dire MAIGRES et je n'abaisserai pas à GAMINS, PAUVRES GOSSES ou à parler de tragédie, parce qu'en France, depuis quarante ans, à 19 ans on est à même de faire des choix politiques et d'en assumer les poings américains, et parce que ceux qui crèvent au combat ont mérité leur épopée.
De même que je n'abaisserai pas à dire comme ici ou là -
..........que les gosses avaient succombé à un emballement romantique.......................
..........dérivé d'un désir de militer..............
............ne trouvant pas à s'exprimer dans les partis traditionnels
Je prends n'importe quelle argumentation — sauf le mépris et la malhonnêteté intellectuelle. Et il en faut beaucoup, mépris et mauvaise foi, pour ne pas voir que sans succombateurs à emballements romantiques, il y a longtemps que le monde entier ressemblerait à la Russie à la fin des années 90. Ou au Kosovo aujourd'hui. Ou à la Corée du Nord, les jours de grosse motivation.
Admets-le et ressers-moi l'avant-dernier, s'il-te-plaît, après j'ai de la route.
Il n'y a pas à tortiller question théorie des genres, et pour une fois, tu vas être content d'avoir un petit poète perso pour ton zinc.
Voici mon expertise : une tragédie est une tragédie, et un combat de rue entre deux factions prêtes à finir sur le carreau pour une cause, c'est une épopée.
Alors, envoie le dernier, et sois sympa avec les pleureuses : il n'y a pas de boulot pour elles.
Il n'y a de boulot que pour un poète. Et pour un sculpteur.
19:48 | Tags : théorie des genres, épopée, tragédie, clément méric, emballements romantiques | Lien permanent | Commentaires (0)