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06/12/2023

Une sorte de pro

5h : le voisin met France Inter, fait faire leur tour du matin à ses glaires. Bouffée de gratitude. Envie de parler. De la reproduction des diptères. De la portance des parapentes. De la sociologie des corbeaux. D’une belle chanson inuit sur la mort découverte au boulot. De la très incrustée corne sous mes pieds. Des Legos qui dorment sournoisement sous le canapé.

5h12 : évité de justesse de me faire engloutir par une liste. Encore une.

5h23 : Elrod. Déluzarche. Ma collègue. Impression d’un détail qui m’aurait échappé dans ma journée d’hier. Me taraude trois quatre secondes. Je laisse passer tel un nuage.

5h40 : quand tout à coup je visualise à mort – je chipote sur les droits d’adaptation dis des trucs intelligents sur ChatGPT à Augustin Trapenard prends une sale cuite au kir royal dans les locaux d’une agence régionale du livre cherche la connexion dans un hôtel de Tarbes parce qu’à un moment best-seller ou pas y a que Pornhub contre le saṃsāra. Puis tout à coup descente, affreux doutes, comme avec la codéine : et si ça marche ? Si je deviens une sorte de winner, même en admettant que ma win ne soit pas la win d’Elrod mais une win sans Ferrari sans palace sans Floride ? Mettons, un éditeur qui diffuse qui réimprime qui paie les droits une couverture du Matricule ? Un petit prix comme il y en a des milliers ? Resterai-je. Le type de base ? Qui fait ses trucs littéraires de type de base dans sa vie de type de base ?

Deviendrai-je. Une sorte de. Professionnel ? Un gars qui n’a que ça à foutre ?

5h54 : Un pigeon vient de se poser sur la rambarde du balcon. Le chat devient dingue.



5h67: nouvelle invasion d’extraterrestres. Débordants d’un énergie impitoyable. Quelque chose comme un tsunami.

Je pense à un bouddha. Il a la tête de Matthieu Ricard.

04/12/2023

Céline

4h22 : réveil. Pantoufles. Cuisine. Café. J’ai porté ma journée d’hier comme une croix mais ce matin est un autre jour. Silence.

4h26 : terminé mon silence il y a deux minutes je devrais passer aux affirmations. Je m’autorise une deuxième cigarette. Juste pour le geste du roulage. Pour la gradeur mystique de la première taffe. Je suis sûr qu’Elrod est un putain de non-fumeur mais le tabac est une plante sacrée chez les Hopis. Je vais sur Google. Que des sites de formateurs new age. En farfouillant je devrais trouver des articles d’anthropologues mais je laisse tomber. À cette heure personne ne me paye pour chercher la vérité.

4h 58 : une idée idiote s’incruste : en vrai c’est bizarre cette histoire de Futura-sciences. La journaliste scientifique Céline Déluzarche est décédée le 17 décembre 2021. Elle a posté l’article Peut-on mourir d’un manque de sommeil ? le 1er mars 2022.

5h25 : à moins d'une pathologie associée, la privation de sommeil ne peut pas directement causer la mort d'une personne dit Céline Déluzarche post-mortem. L’ensemble de ma journée dépend de mon niveau de motivation au réveil dit Elrod. Il y a des témoignages sur YouTube.

5h27 : je ne sais pas de quoi Céline Déluzarche est morte. Sur la photo accompagnant l’article elle ressemble à quelqu’un qui manque de sommeil. Soudain je réalise : cette femme morte à quarante-deux ans a eu une importance insoupçonnée dans ma vie. Elle fut comme moi une chercheuse de vérité mais avec une compétence en plus. Elle, capable de vous de comprendre en anglais quand ça parle de globules, de gènes et d’hormones. Capable de vous citer une étude, une vraie, de vous restituer une méta-analyse avec toutes les sources et les conventions requises et sans essayer de la faire coller avec une méthode miracle. Dans mon activité de recherche de la vérité elle m’a souvent sorti du pétrin, sans le savoir.

5h32 : c’est l’heure des pompes. Mais depuis cinq minutes je suis en deuil et quelque chose dans l’existence même d’Elrod chie sur mon deuil.