Peau de gueule / Le blog de Grégoire Damon

Auteur : Grégoire Damon

Éditeur : Le Pédalo ivre

Année : 2021

Livre des morts perso d'un travailleur invisible. Cérémonie d'évocation d'un gars de la sueur, qui aurait été un anonyme s'il s'était pas appelé Jean-Claude. Récit, poème, de que vous voudrez, avec chaussures de sécurité et cercueil hors cote.

Extrait :

"Depuis la mort de Jean-Claude quelque chose de bizarre flotte dans l’atmosphère au boulot.

Collectivement : quelque chose a été modifié dans la consistance du réel.

Il ne s’agit pas d’un trou ou d’un manque, tout au contraire c’est comme si une chose qui n’avait jamais cessé d’être là, était toujours là. Collée aux murs. Dans les bouts de mousse qui dépassent des faux plafonds. Au sein des tuyauteries à vif. Sur le quai de déchargement. Devant la loge des gardiens. Partout, à l’exception des salles destinées au public.

Ce qui signifie qu’au moins une chose est claire : ce truc dont nous sentons la présence
n’est pas
un extincteur.

J’ai posé la question à une bonne quinzaine de collègues : Jean-Claude faisait partie de la vie de chacun. Il est mort sans le savoir. Peut-être même qu’il est mort de ne pas le savoir. Ce qui nous met, les deux cents à deux cent cinquante titulaires et contractuels que nous sommes plus ou moins en permanence, plus les anciens mutés dans des annexes, les retraitées et retraités, les morts et les mortes, les vacataires, les quarante directeurs-adjoints et les conservateurs d’État en détachement – vingt-sept ans de Ville font du monde – au premier rang des assassins."

Le bouquin sur le site de l'éditeur