12/06/2015
Non ce n'est pas les francs-maçons qui dirigent le monde, c'est les poètes
Encore un article sur la poésie sur le site de l'Obs.
Ça ne me dérange pas que Siméon s'exprime.
Ce qui me dérange, c'est que la photo qui illustre l'article ne représente pas Siméon.
Elle représente Verlaine.
Je n'ai rien contre Verlaine.
Mais c'est encore une manière détournée de nous faire comprendre que la poésie, c'est du passé glorieux, du Verbe-Chair à panthéon et à Lagarde et Michard.
En plus, ils n'ont pas choisi un Verlaine Fantin-Latour, LGBT-hipster, yeux énamourés vers son futur marchant d'armes.
Ils ont pris un Verlaine constipation-haut-de-forme.
Hého. Haut de forme. XIXème siècle. Vous savez, quand il y avait des poètes.
Des poètes, vous voulez dire comme les gens vivants qui seront par milliers à Saint-Sulpice ce week-end ?
Comme ceux qui vont foutre le daoua à Sète cet été, comme ils le foutent toute l'année dans des bars associatifs, des squats, des salles de jazz, des écoles dites normales prétendues supérieures, des théâtre, des bibliothèques anar ?
Ouais, des comme ça.
Les poètes sont partout.
Ils dirigent le monde.
Et les plus dangereux ce ne sont pas les honnêtes, ceux cités plus hauts.
Ce sont ceux qui vous font passer leur came en douce, sans dire le mot.
Ceux qui ont érigé l'épopée en exercice cardinal de l'intégration citoyenne.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas tout à fait d'accord avec Siméon : d'accord il y a des poètes qui sauvent le monde, chaque jour, partout, et j'espère bien à mon petit niveau en faire partie. Mais il y en a aussi qui s'ingénient à y foutre un bordel monstre.
Alors plutôt que de pleurer sur le manque de diffusion de l'édition dans ma branche, je préfère continuer à chanter toutes les conneries qui me passent par la tête en manière d'antidote aux leurs. Ça vaut ce que ça vaut mais on dira pas qu'on fout rien.
Et voilà ce qu'on en fait, moi et mes potes, du XIXème siècle :
La photo est de Gilbert Brun et c'est le Syndicat des poètes qui vont mourir un jour qui pose.
...
(Je sais, je n'en finis pas de promettre que je ne parlerai plus de LA poésie sur ce blog. Mais putain, je suis comme tout le monde : je veux bien qu'on m'opprime, pas qu'on se foute de ma gueule. À la bonne vôtre.)
07:00 Publié dans fins de séries, Gueules de bois | Tags : jean-pierre siméon, paul verlaine, l'obs, les poètes sauveront le monde ou le détruiront, coin de table | Lien permanent | Commentaires (0)
23/05/2015
Baise de vieux couple
j'ai vu ce film — L'Exercice de l'Etat
c'est un film de Pierre Schoeller
avec Olivier Gourmet dans un premier rôle
ce qui n'est pas si fréquent
vous n'allez pas me contredire
Olivier Gourmet y joue un ministre des transports en train de devenir une bête politique froide et efficace
c'est à dire un type normal qui cherche à faire une carrière normale dans un milieu particulier
bref
le dernier type auquel je serais tenté de m'identifier
à un moment
on voit le ministre dans sa chambre
habillé comme pour aller serrer des mains à des émirs du pétrole
devant sa femme endormie
il se penche vers elle
bon anniversaire mon cœur à ce soir
avec la voix usée du type qui est déjà rentré au milieu de la nuit
on sent bien la fatigue le petit matin le manque de tout
et tout ce qui est en train de se déliter
et nous spectateurs sommes prêts à l'accepter
comme une convention réaliste du cinéma français
mais pas sa femme
elle fait cet effort magnifique
elle se révolte
contre le sommeil et la fatalité des agendas
elle se force
elle agrippe son costume de ministre
elle le tire vers elle
on sent qu'elle fait un effort
qu'elle s'extirpe d'un sommeil profond
mais elle le sait quand même parce qu'elle sait qu'elle ne le reverra qu'à la nuit tombée
et encore, si elle a le courage de l'attendre
alors elle le tire vers elle et colle sa bouche à la sielle
et lui tout indisponible qu'il est
se laisse attirer et coller
parce qu'il l'aime et qu'il veut faire exister cet amour même pour trente secondes
les mouvements sont rapides et efficaces
le crescendo calculé au millimètre
le plan est serré
on ne les voit qu'à partir de la poitrine
elle — en vieux T-shirt informe
lui — en costume de ministre
on devine qu'ils ont entrebâillé juste assez de vêtements pour que les sexes se rejoignent
mais les respirations s'accélèrent selon le plan prévu
et quand elle agrippe la tête du lit c'est déjà une victoire pour l'amour
ça dure moins d'une minute en tout mais ils jouissent à la même seconde
parce qu'ils sont un vieux couple
qu'ils se connaissent à fond
et que cette seconde est le seul espace où l'oubli et l'amour ont leur droit dans cette organisation de vie
et certes
le reste du film montrera le ministre faire une par une les choses désagréables qui feront de lui ce salopard avec une vraie stature politique
en trahissant son seul idéal et son seul ami
mais cet amour
à cette seconde
aura existé
et je ne crois pas avoir vu
de scène de baise plus forte dans un film
07:29 Publié dans Bouts de peau, Film, Gueules de bois | Tags : l'exercice de l'etat, olivier gourmet, film, baise de vieux couple | Lien permanent | Commentaires (1)
19/05/2015
Cahier des charges
hier soir cahier des charges rempli
bu du vin rouge et de la bière dans un centre de documentation anarchiste
parlé de poésie avec des gens qui gagnent peu d'argent
participé à bonne vibration collective
traîné sur les Pentes
terminé dans un cabaret russe où tout était rouge
chanté Dylan et Okoudjava pour une vodka-cornichon
devant des poètes qui suaient la poésie
devant une patronne qui travaille depuis la chute du mur
un décolleté vaste comme la Sibérie et profond comme le désespoir Russe
tout ça sous les auspices d'un débauché mystique dont un musée petersbourgeois prétend conserver la bite dans du formol
tout ça en un temps record et avec des moyens réduits
tout ça sans avoir lu un Corto Maltese depuis une dizaine d'années
et n'allez pas me dire que la poésie est autre chose que le recyclage de vieux clichés
06:57 Publié dans fins de séries, Gueules de bois, Gueuloir, Musique | Tags : après la lecture, bar le raspoutine, cedrats, âme russe | Lien permanent | Commentaires (0)