21/06/2015
Churchill
l'été c'est la saison la plus pourrie du monde
à l'exception de toutes les autres
dit Churchill
(c'est mon ami imaginaire)
ouais la sueur le sang et les larmes
il faut ajouter les poissons qui pourrissent
et la merde des chiens et des hommes qui seulement l'été donne sa pleine mesure
comme on dit qu'il faut réaliser pleinement son potentiel
dans les écoles de
management
07:00 Publié dans Bouts de peau | Tags : churchill, haine de l'été, pleinement son potentiel, merde de chiens merde d'hommes | Lien permanent | Commentaires (0)
23/05/2015
Baise de vieux couple
j'ai vu ce film — L'Exercice de l'Etat
c'est un film de Pierre Schoeller
avec Olivier Gourmet dans un premier rôle
ce qui n'est pas si fréquent
vous n'allez pas me contredire
Olivier Gourmet y joue un ministre des transports en train de devenir une bête politique froide et efficace
c'est à dire un type normal qui cherche à faire une carrière normale dans un milieu particulier
bref
le dernier type auquel je serais tenté de m'identifier
à un moment
on voit le ministre dans sa chambre
habillé comme pour aller serrer des mains à des émirs du pétrole
devant sa femme endormie
il se penche vers elle
bon anniversaire mon cœur à ce soir
avec la voix usée du type qui est déjà rentré au milieu de la nuit
on sent bien la fatigue le petit matin le manque de tout
et tout ce qui est en train de se déliter
et nous spectateurs sommes prêts à l'accepter
comme une convention réaliste du cinéma français
mais pas sa femme
elle fait cet effort magnifique
elle se révolte
contre le sommeil et la fatalité des agendas
elle se force
elle agrippe son costume de ministre
elle le tire vers elle
on sent qu'elle fait un effort
qu'elle s'extirpe d'un sommeil profond
mais elle le sait quand même parce qu'elle sait qu'elle ne le reverra qu'à la nuit tombée
et encore, si elle a le courage de l'attendre
alors elle le tire vers elle et colle sa bouche à la sielle
et lui tout indisponible qu'il est
se laisse attirer et coller
parce qu'il l'aime et qu'il veut faire exister cet amour même pour trente secondes
les mouvements sont rapides et efficaces
le crescendo calculé au millimètre
le plan est serré
on ne les voit qu'à partir de la poitrine
elle — en vieux T-shirt informe
lui — en costume de ministre
on devine qu'ils ont entrebâillé juste assez de vêtements pour que les sexes se rejoignent
mais les respirations s'accélèrent selon le plan prévu
et quand elle agrippe la tête du lit c'est déjà une victoire pour l'amour
ça dure moins d'une minute en tout mais ils jouissent à la même seconde
parce qu'ils sont un vieux couple
qu'ils se connaissent à fond
et que cette seconde est le seul espace où l'oubli et l'amour ont leur droit dans cette organisation de vie
et certes
le reste du film montrera le ministre faire une par une les choses désagréables qui feront de lui ce salopard avec une vraie stature politique
en trahissant son seul idéal et son seul ami
mais cet amour
à cette seconde
aura existé
et je ne crois pas avoir vu
de scène de baise plus forte dans un film
07:29 Publié dans Bouts de peau, Film, Gueules de bois | Tags : l'exercice de l'etat, olivier gourmet, film, baise de vieux couple | Lien permanent | Commentaires (1)
21/05/2015
Mon coiffeur
mon
coiffeur aimerait bien que
je puisse terminer une phrase sans dire
pédé
ou
enculé
ou
Arabe Juif Tchétchène — mon
coiffeur
considère que
les mots ce ne sont pas que
les mots
ce sont
des serpillères à saloperies idéologiques
et qu'après
personne ne veut les essorer
(car personne n'aime avoir les doigts qui puent)
c'est trop facile de se laisser couler avec le climat d'une époque
c'est trop facile de faire résonner les mots de l'oppresseur
(il sait de quoi il parle
ce qui roule qui va vite et qui n'accroche pas mais en met plein la vue il connaît il a
été adepte du patin a roulette pendant des années)
si les mots devaient servir à des causes politiques
on leur offrirait un équipement paramilitaire ultramoderne
on les enverrait survivre dans des conditions extrêmes et
on leur écrirait des chansons
ce n'est pas ce que dit mon coiffeur
ce n'est pas ce qui tombe à mes pieds en touffes brunes
ce qu'ils veut lui
c'est des mots-nourrissons qui considèrent le monde pour la première fois
avec un son tout neuf
je veux bien moi
et je veux bien qu'on cause de Suétone et de Charles Péguy alors que perdant deux kilos gagnant trois centimètres
je constate qu'il a raison
puisqu'il tient le rasoir et que j'ai les bras entravés sous leur espèce de blouse sans manches
le problème
c'est que tout le monde a raison
tout le monde a raison que c'en est épuisant
que c'en est contradictoire
que c'en est péremptoire
je veux bien faire plaisir à tout le monde mais faudra le rasoir
pourtant j'aime mon coiffeur
c'est mon meilleur ami
et se faire tripoter le cuir chevelu
reste un pur plaisir physique
sans désir ni regret
09:08 Publié dans Bouts de peau, fins de séries | Tags : mon coiffeur, littérature engagé, arabe pédé juif, mots-nourrissons | Lien permanent | Commentaires (3)