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24/01/2016

J'ai un démon

j'ai un démon sur mon porte-clés

accroché à mes clés du boulot

ding-a-ling !

il dit

pas après pas, oublie pas, je suis là !

il dit

t'as bien foiré mais je t'abandonne pas !

il dit

j'ai un démon dans la poche avant gauche de mon jean

entre un briquet et un paquet de mouchoirs

on dirait un cliquètement

mais c'est lui qui se marre

doucement —

shalom !

priviet !

salam !

et voilà tu es content

tout le monde te trouve formidable

on va te proposer une opportunité

et tu vas la saisir, mec

tu vas être à la hauteur

tu désirais autre chose ?

non ? OK. c'est 35 heures.

tu paies comment ? en vannes ou en conneries ?

sûr tu vas faire rire la galerie

faire passer l'eczéma pour un coup du gel

pis y retourner y retourner y retourner

congratulations ! t'es dans ta phase bonheur complet

tes bouts rimés tout le monde trouve ça trendy

comme un tableau abstrait dans la salle d'attente du dentiste

ça fait mal mais c'est un dentiste très chic

y a que Géo et Madame Figaro ici pas de Point de vue

tu peux t'asseoir c'est pas plus cher

 

j'ai un démon dans mon ventre

mais il prend plus de place que mon ventre

j'ai un démon dans ma gueule

mais il prend plus de place que ma gueule

j'ai un démon dans ma station de métro ma semelle décollée et mon épicerie bio

il prend des joues et du bagout

je m'occupe bien de lui je crois

c'est réciproque

 

13/01/2016

Le timbré du 4ème

maintenant

tu vas pas me dire que tu l'as pas remarqué toi aussi

merci

alors

on fait quoi

on respire ses miasmes et on attend de puer autant que lui

ou on appelle la fourrière

c'est jamais rien que de l'humain

comme quand ta meuf laisser derrière elle des petits bouts de PQ imbibés de larmes

comme quand ton conseiller Pôle-Emploi a un tiroir rempli des mêmes

(à se demander ce que ce type fout avec les larmes de ta meuf mais

sans doute que ce n'est que de la jalousie mal placée toi aussi

tu aimerais bien qu'on te paie pour chialer)

*

alors

qu'est-ce qu'on fait

le timbré t'as fait comme moi tu l'as pisté sur Facebook

t'as cherché un moyen de l'envoyer dans la même décharge

que les collègues

(des fois une décharge une bouche faut pas trop regarder

c'est seulement affaire

d'imagination)

enfin bon

s'il savait que tu le googlises quand il a le dos tourné

il aurait au moins une vraie raison d'être parano

alors quoi

tu ne sais pas

alors tu attends comme les autres

qu'il fasse un truc qui te permette de le jeter dehors

en attrapant un beau furoncle au passage

*

ce qu'il y a c'est que l'année dernière la veille de ton anniversaire

il a posté une phrase de l'écrivain fétiche de ton adolescence

("ça fait cinq ans que j'habite au même endroit je suis une nation")

bon d'accord ce n'était que la veille de ton anniversaire

mais ce n'était pas une année bissextile si ça se trouve ça compte double

*

bon d'accord il n'a pas cité l'auteur

mais c'en est touchant de naïveté

ce timbré qui n'a pas les couilles d'assumer son propre génie

devant tout le monde et devant personne

qui se croit obligé de piquer celui des autres

et de le noyer sous les images de nymphes new age et de partouzes d'éléments psychédéliques

alors que cette débauche de poésie pure et du plus mauvais goût

ne le rend que plus transparent

*

il faut avoir un œil de policier municipal ou de contrôleur TCL

pour voir certaines personnes.

 

 

 

 

13/12/2015

Là, maintenant, la poésie

C'est impossible d'écrire de la poésie

là, maintenant, sur le canapé

chacun son ordinateur serré sur ses genoux

j'ai beau avoir du sommeil en retard

j'ai beau avoir de la vie en retard

c'est impossible d'écrire de la poésie

il y a eu les attentats

il y a eu les élections

et là, maintenant, par exception,

il y a de la musique.

 

C'est impossible la musique

presque autant que c'est impossible le canapé

je fouille le fond de ma connerie

elle bat à un rythme toujours aussi régulier

mais c'est impossible d'écrire de la poésie,

là, comme ça, avec toi à côté

j'ai beau être au courant

tes seins inutilisés

j'ai beau savoir ton sexe

présent 

existant

inaccessible

c'est impossible d'écrire de la poésie

d'avoir ne serait-ce qu'

une position assez inconfortable

précaire

et douloureuse.