20/09/2021
Jean-Claude requiem au Pédalo ivre
Il y a des morts qui ne passent pas facilement. Et des bouquins qui s'imposent alors qu'on a rien demandé.
Alors des fois, on s'aperçoit qu'on a écrit quelque chose comme un requiem, un livre des morts, une cérémonie.
Jean-Claude requiem sort maintenant au Pédalo ivre.
C'est mon quatrième bouquin dans la collection poésie et j'en suis pas peu content.
D'ores et déjà, monde cruel, tu peux réclamer la chose à ton libraire préféré.
Ou l'acheter ici.
Bise.
06:00 Publié dans Livre | Tags : jean-claude, requiem, livre des morts, travail, pédalo ivre, récit poétique | Lien permanent | Commentaires (0)
24/01/2016
J'ai un démon
j'ai un démon sur mon porte-clés
accroché à mes clés du boulot
ding-a-ling !
il dit
pas après pas, oublie pas, je suis là !
il dit
t'as bien foiré mais je t'abandonne pas !
il dit
j'ai un démon dans la poche avant gauche de mon jean
entre un briquet et un paquet de mouchoirs
on dirait un cliquètement
mais c'est lui qui se marre
doucement —
shalom !
priviet !
salam !
et voilà tu es content
tout le monde te trouve formidable
on va te proposer une opportunité
et tu vas la saisir, mec
tu vas être à la hauteur
tu désirais autre chose ?
non ? OK. c'est 35 heures.
tu paies comment ? en vannes ou en conneries ?
sûr tu vas faire rire la galerie
faire passer l'eczéma pour un coup du gel
pis y retourner y retourner y retourner
congratulations ! t'es dans ta phase bonheur complet
tes bouts rimés tout le monde trouve ça trendy
comme un tableau abstrait dans la salle d'attente du dentiste
ça fait mal mais c'est un dentiste très chic
y a que Géo et Madame Figaro ici pas de Point de vue
tu peux t'asseoir c'est pas plus cher
j'ai un démon dans mon ventre
mais il prend plus de place que mon ventre
j'ai un démon dans ma gueule
mais il prend plus de place que ma gueule
j'ai un démon dans ma station de métro ma semelle décollée et mon épicerie bio
il prend des joues et du bagout
je m'occupe bien de lui je crois
c'est réciproque
08:48 Publié dans Bouts de peau, fins de séries | Tags : démon, travail, eczéma | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2012
Chemises II
Conversation avec Steve. Il vient d'apprendre qu'on lui a refusé ses vacances. Il avait la tête baissée, il ne regardait pas sa clope se consumer, et c'est une erreur. Il y en a qui meurent de ça. À la place, il préférait regarder le halo brun sur sa chemisette blanche. Le halo était bien central, placé plexus solaire, comme si quelque chose battait encore en-dessous, quelque chose de plus important qu'une cigarette. Et le halo était là parce que Steve avait dû remplir un distributeur de ketchup de la main droite pendant qu'il étiquetait des bacs à salade de la main gauche. Et il faisait l'ambidextre parce que, bien sûr, ce jour-là, où on l'avait appelé en catastrophe à sept heures dix pour remplacer le manager d'open à sept heures, il y avait en plus deux absents pour cause de grippe. La grippe grève plus les effectifs que la grève, chez Meecoy. Et crève les managers par intérim.
Steve avait accepté de venir. Pas manager, mais bien managé-mangé de l'intérieur du cerveau, bien dressé, mais pas sur ses ergots, il prend ses trois quarts par semaine et avec ça il demeure mon frère de paye, voilà la vérité : et en le voyant assis là, la tête entre les genoux, j'ai eu moi aussi une grande bouffée-plexus, un grand halo, mais je ne l'ai pas étalé sur mon polo parce que c'était de la compassion et que Steve était assez humilié comme ça. Je me suis assis à côté de lui, j'ai allumé ma cigarette à moi, et j'ai attendu qu'elle agisse sur son transit verbal.
— Incompétent. Jipé a dit incompétent. Mais ce qui fait le plus mal, c'est le petit rire de Gerald.
— Et tu en tires quoi comme conclusion ?
— J'ai pas fini à l'heure. J'ai pas réussi. C'est tout.
— T'es vraiment con...
Je m'en suis voulu. Mais à la réflexion, le terme ne paraît pas totalement improductif, philosophiquement parlant. J'en ai tiré une petite théorie, qui, j'espère, sera reconnue à la hauteur de son sérieux terminologique. La voici.
Théorie définitive de darwinisme anthropologique appliqué à Meecoy
Les managers (et assimilés) se divisent en deux catégories : les cons et les enculés.
Il existe des signes par lesquels un spécialiste peut, d'un seul regard-manager, savoir à qui il a affaire. Et en premier lieu, le signe chemisier :
Les cons ont une chemise tachée.
Les enculés ont une chemise propre.
Il est à noter que les enculés ne sont pas forcément des enculés. Je veux dire, ils sont pas tous forcément du genre à se jeter à l'eau pour faire les poches de l'homme qui se noi. Mais on remarquera qu'ils ont toujours les bons plannings, qu'ils obtiennent les dates de congés payés qu'ils désirent, qu'ils ont une facilité surnaturelle à gravir les échelons, et qu'ils éteignent leur portable la nuit, condition propédeutique indispensable à leur non-corvéabilité pour les imprévus de l'open.
On sait peu de choses sur les causes génétiques ou sociologiques qui font de tel ou tel manager un con ou en enculé pour l'ensemble de sa carrière, mais tout porte à croire que cette orientation est, sinon innée, du moins déterminée très tôt, avant le début du parcours professionnel, et dérive d'un ensemble de traits comportementaux qualifié vulgairement de personnalité. Ce qui nous amène au deuxième signe infaillible d'enculage :
Les cons regardent leurs chaussures. Les enculés bombent le torse. Comme les membres de l'équipe de direction.
L'état actuel de nos recherches ne nous permet pas d'établir avec certitude si le bombage de torse est une cause ou une conséquence, mais les faits sont là : un enculé d'un mètre soixante-dix fait une tête de plus qu'un con d'un mètre quatre-vingt-quinze.
La machine Meecoy, pour fonctionner, a besoin des deux : les enculés fournissent le contingent des futurs directeurs et directeurs-adjoints, et offrent une plus-value d'image à l'entreprise. Les cons font tourner la machine, assurent les remplacements, rustinent les avaries.
J'aimerais bien me compter moi-même parmi eux. Être un vrai con, bien franc, bien taché, bien nettement du côté des victimes. Mais là un épouvantable doute m'étreint : est-ce que je peux vraiment être un con, si j'en suis conscient ?
Encore que la conscience ne suffise pas. Steve n'est pas assez con pour ne pas savoir qu'il est con. Mais jamais il ne le dira. C'est ça qui le sauve.
Extrait de Fast Food, work in progress.
08:00 Publié dans Conneries | Tags : chemise, connerie, manager, fast food, cons & enculés, théorie définitive, travail | Lien permanent | Commentaires (0)