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07/12/2014

Avec ce truc la poésie

(ce qu'il y a avec ce truc la poésie c'est qu'on reste peut-être plus qu'ailleurs prisonniers de nos réflexes & idées reçues. Par exemple, si je dis que ce qui m'intéresse dans le métier de poète c'est la gloire et l'argent on va dire que je manie subtilement une ironie dont le fond de désespoir etc etc. et que ce n'est pas grave, que six milliards d'humains moins des poussières s'en foutent.

Mais je reste sur ma position : je suis vraiment devenu poète pour l'argent. Et la gloire. Et la coke et les putes et l'Académie Française, si tant est qu'il y ait une différence. Je veux être mainstream, moi. Je suis prêt à me faire récupérer. À vendre ma mélodie intérieure à l'industrie de la pub. Et je m'étonne de ne pas encore avoir reçu de propositions.

En attendant, je rentrais hier tard dans la nuit avec le papa et la maman d'un journal pour les enfants.

Certains d'entre nous étaient bourrés. Mais on était tous au bord de l'épuisement. Mais on était tous au bord de l'épuisement et QUAND même encore plein de poésie. Malgré le vent le froid les deux fleuves les métros fermés.

Jaloux de notre succès, le maire de la Grande Ville avait organisé un événement international à base de pognon et d'ampoules destiné à faire quadrupler la population de l'agglomération pour un week-end et à paralyser le réseau de transports en commun. Il l'avait fait dans le seul but de nous emmerder, nous, nous trois plus les quelques poètes/éditeurs/gérants de MJC qu'on venait de quitter. Les mecs les plus puissants de la terre, bien plus que le Tsar de Russie ou le Roi de Chine, j'avais des preuves mais elles n'arrivaient pas à me sortir du cerveau dans le bon ordre alors je levais mon vin chaud aux délires logistiques qu'il avait fallu accomplir pour traîner tous ces Chinois Italiens Baltes Australiens Suédois avec leurs bonnets et leurs appareils photo, rien que pour nous faire chier, rien que pour nous faire chier moi et mes potes.

Ça s'est passé tout comme je vous dis.)

 

15/11/2014

Lendemain de

 

lendemain de lecture,trac,amour de l'art,con et magnifique

(Photo de Trevor Rêveur, mon pote du groupe Red City Noise)

 

 

Cher monde cruel, un lendemain de lecture, c'est toujours pareil.

Avec toute l'énergie qui m'est passée dans le corps je sais d'avance que je n'arriverai jamais à dormir.

Mais je m'en fous.

On a bien bossé, moi et mon trac. Et mon pote, qui fait toujours de la musique, un peu plus près de l'Italie, sous le nom de Lovataraxx, googlisez, ça vaut le coup.

Ce coup-ci l'ambiance était tellement saloon qu'on a même eu notre esquisse de baston à la fin, pour quelque chose d'aussi con et magnifique que l'amour de l'art.

(D'une manière générale, au cours de cette soirée, beaucoup de gens ont fait des choses connes et magnifiques, par amour de l'art. C'était d'ailleurs si beau que personne ne s'est fait de pognon, à part l'épicier de nuit du coin de la rue.)

(Il faut toujours un épicier.)

Alors ce soir je suis si con et magnifique que j'ai envie de remercier le monde entier sauf quelques exceptions de ne pas se faire de pognon.

C'est débile, c'est puéril, et je m'en fous.

Je remets ça samedi prochain encore beaucoup plus près de l'Italie, et je vais sortir mon trac, on va vibrer ensemble, si on bosse bien d'autres homo sapiens avec leur propre trac/rage/frustration/tendance à la dépression vibreront aussi, mais quoi qu'il en soit, j'aurai à nouveau cette pile à 10 000 volts entre les omoplates, et je me retournerai dans mon lit, et je compterai les heures qui me restent avant le matin, et je mettrai les deux jours suivants à m'en remettre.

Mais je m'en fous. Depuis vingt-quatre heures, et pour une nuit encore, je vis sans ma boule au ventre.

Et en soi, ça justifie déjà tout.

 

05/11/2014

Pause (petite précision)

Cher Nosconsolations.blogspot.fr,

 

Je fais une petite pause pour revenir sur le commentaire que tu as eu la gentillesse de me poster il y a quelques jours, quand je faisais allusion à mon opus définitif sur la connerie qui devrait sortir courant 2015 dans une des maison d'édition les plus dynamiques en ce qui concerne la poésie contemporaine.

"Il y a du boulot", dis-tu. "Je pense qu'en la matière, Bénabar a plus que son mot à dire."

Il faut que ce soit clair : quand je parle de connerie, il ne s'agit pas de stigmatiser celle des autres. J'ai deux principes, dans la vie :

1) ma connerie à moi me suffit largement comme objet d'étude ;

2) il ne s'agit pas de stigmatiser quoi que ce soit.

Je ne pense pas que la connerie soit une affaire à prendre de haut. Ce serait trop facile. Ce serait trop néfaste.

Il ne faut pas oublier une chose : même si ça cuit un peu le matin (après une nuit passée à refaire le monde avec elle et une bouteille de vodka), ma connerie est ma force agissante.

Beaucoup de gens pensent que notre monde crève de sa connerie. Moi, je pense que le monde crève d'intelligence.

Regarde autour de toi : les experts en marketing sont intelligents, les spin doctors sont intelligents, les directeurs des ressources humaines sont intelligents, les urbanistes sont intelligents, les patrons de bars sont intelligents, les conseillers principaux d'éducation sont intelligents, etc. Le moindre clodo qui essaye de te taxer un euro peut t'en remontrer sur la géopolitique mondiale.

Dans ces conditions, comment veux-tu que je fasse autre chose que d'admirer tant d'intelligence, de fermer ma gueule et de passer mon chemin ?

Je n'ai pas cette capacité à me mettre en surplomb et à apprendre la vie aux masses vulgaires. C'est une question de caractère, ou c'est un coup du complexe d'Œdipe, je ne sais pas. En tout cas, chaque fois que je me suis laissé aller à me sentir supérieur à quelqu'un, voire à éprouver un peu de haine un peu de mépris, je me suis fait l'effet d'être la connerie même. La risée des sphères.

C'est assez pitoyable, mais un jour, j'ai compris une chose : pour peu que je la considère, que je lui reconnaisse un minimum de dignité humaine, ma connerie n'est pas nécessairement mon ennemie. D'une manière générale, la connerie, c'est comme la névrose : plus tu la nies plus elle prend le pouvoir. Mais aime ta connerie, et tu te sentiras léger.

Pour en revenir à Bénabar, je suis convaincu au contraire que ce mec est plus intelligent que moi, et c'en est même triste, il doit se rendre compte qu'il est en train de se bâtir une carrière alors qu'il était bien parti pour faire une œuvre. Pour le coup, je préfère être à ma place qu'à la sienne.

Tout ça dit sans chichis, je n'ai aucune pudeur à montrer mes manques et mes limites. C'est même de là que part toute ma poésie.

C'est pourquoi les quelques critiques qui ont vu de l'ironie ou du cynisme dans mon premier recueil, Mon Vrai boulot, ont fait un contresens. Peut-être parce que, intelligents qu'ils sont, ils aimeraient bien que je sois comme eux. C'est une délicate attention, mais, comme tu vois, je m'en passe très bien.

(D'une manière générale, les gens intelligents aiment bien qu'on soit comme eux et qu'on pense comme eux. Moi, je m'en passe très bien.)

Voilà pour cette question, mon cher Nosconsolations. Je vais reprendre ma Débénabarisation de quotidien, toujours selon ma méthode préférée, qui est de prendre n'importe quelle connerie qui me passera par la tête et de la pétrir, chaque jour, de cinq à sept heures du matin, pour lui tirer son jus.


Et à bientôt j'espère.

 

GD

 

PS : Je suis allé sur ton blog et j'ai vu des choses très intéressantes, intelligentes, sensibles. J'aurais préféré m'adresser à un vrai être humain avec nom et prénom, mais je ne vais pas râler vues les jolies choses que tu dis sur Reggiani.