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28/06/2023

COMMENT TOUT ÇA A COMMENCÉ - LE KYSTE

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Au commencement il y a la douleur – vieille complice de nos centres nerveux.
 
Elle ne s’installe pas n’importe où. Elle sait où viser.
 
Cette zone au bas du dos, garante de la bipédie et de la position assise.
 
Épicentre de nous-mêmes.
 
Là où l’évolution nous a laissé en cicatrice l’éternelle absence d’une queue.
 
Là où se logent l’équilibre, la souplesse des jambes, le canapé et les chips : la vie.
 
Ça a commencé par une vague gêne, au cours d’un long trajet en voiture.
 
Une sorte de démangeaison, mais de démangeaison qui ne reste pas à sa place, c’est à dire en surface – au contraire, elle tenait son siège dans un endroit profond et inconnu, mais immédiatement reconnu comme une de tes tristes propriétés.
De là, elle se met à innerver les cuisses, qui ne trouvent plus un angle décent à former avec le corps, les hanches, qui se bloquent dans une position désagréable, et le corps tout entier, pendu à la poignée au-dessus de la vitre passager comme un quart de viande dans un frigo.
 
Et voici la première leçon de cette histoire : la douleur n’est pas seulement un truc qui fait mal. C’est un truc qui rend dingue. Extra-lucide. Amoindri. Ou plutôt : chaotique. Monté à l’envers. Aberrant.
 
Tu te vois comme un de ces pantins de bois articulés qui servent dans les écoles d’art – tu projettes tous ces beaux mouvements, que tu fais depuis ta plus tendre enfance. Seulement la mécanique est grippée, le système rouillé, le bois bouffé aux termites. Et les gestes n’adviennent pas. Une main intérieure te fige, une gangue irradiante qui te limite à rien.
 
Les jours suivants relèvent de l’électricité. Une lourde onde de douleur – car la douleur a commencé : maintenant, tu ne peux plus hésiter sur le nom à lui donner – une lourde onde de douleur modèle maintenant chacun de tes gestes, ta posture, ton être.
 
Tu souhaitais monter cet escalier – je te regarde.
 
Tu avais pour projet d’intégrer cette baignoire – voyons ça.
 
Tu te souviens avec un regret tendre de l’époque où tu faisais des trucs formidables, comme te vautrer avec ravissement sur le canapé et bouquiner comme ça, pieds sur la table basse.
 
L’onde a la propriété de mettre le monde, mais surtout ces petits systèmes organiques qui le peuplent – les autres – comme derrière une plaque de plexiglas insonorisée : ils et elles vivent leur vie, font leurs gestes comme si de rien n’était, ils et elles compatissent d’un bout de sourcil, comme ça, mais il ne peuvent pas comprendre.
 
Ils ne peuvent pas comprendre. Et à partir de là c’est tout le dispositif commence à s’écrouler.
 
Les abdos – les abdos physiques, mais aussi les abdos spirituels – ramollissent comme une tablette de Milka fourrage Oreo laissé sur la table de la cuisine en plein été (il est vrai que c’était en juillet, tu avais loué cette vieille maison près de Carcassonne). Tu sais que tu ne soulèveras plus ton gosse impunément. Que tu ne soulèveras plus une pile d’assiettes impunément. Assieds-toi qu’on rigole – cela est devenu une opération complexe, mobilisant toutes les ressources des tes capacités à projeter et à anticiper, ton acceptation de cette posture raide et tremblante, sur le bout des fesses, le dos à dix centimètres du dossier, nerveux comme cinq minutes avant l’oral du bac.
 
Tu veux dormir : sur le ventre, camarade. There is no alternative.
 
Ton corps s’est réduit à une parodie, tes jambes figent à force de ne pas pouvoir plier, te voilà devenu vieux.
 
Il y a là-dedans toute la géniale ingénierie de ton complexe cerveau-nerfs-hormones que nous ne la développerons pas ici. Pour l’instant tout ce que tu connais c’est les boîtes de Doliprane presque vides qui peuplent le fond des placards, des vestes, des sacs. Tu tâtes des expédients. Le Picon-bière a des effets évidents, mais qui ne durent pas ; le petit bout de shit retrouvé au fond du tiroir du buffet t’a seulement filé la gerbe, le fond de vodka te rafraîchit la bouche et te réchauffe la langue mais le problème n’est pas de bouche n’est pas de langue : le problème c’est que tu t’épuises.
 
Une petite boule de pus – quelques millilitres, même pas de quoi remplir un doseur de Ricard – commande à ta vie.
 
C’est ainsi que débute la conscience du monde : par une forte douleur au cul.
Au bout d’une semaine c’est fatal on te déposera aux urgences de Narbonne. Les urgences ne sont pas une mauvaise manière de découvrir Narbonne, elles sont dans un bâtiment très beau très ancien, genre cloître. Elles contiennent en outre un choix d’êtres humains – de disciples potentiels – que tu ne vois pas quand tu es touriste et traverses Narbonne pour aller à la plage : ouvriers retraités à la CMU, immigrés parlant pas la langue, un bébé légèrement difforme, beaucoup de manutentionnaires et d’artisans. Et ton kyste, ton kyste, ton kyste. Et loin, très très loin en-dessous, toi.
 
Et soudain tu sens quelque chose craquer. Quelque chose de central d’enfoui d’épais, du plein centre de l’univers de la douleur qui est devenu ces jours interminables ton métier, ton écosystème et tes valeurs culturelles, ton centre. Jouissance du mouillé, giclée, presque un orgasme – presque un début d’espoir.
Mais ce n’est qu’un début.
 
L’infirmier à l’accueil te regarde en se marrant. Il sait déjà pourquoi tu es là. Il l’a vu à la tache à l’arrière de ton short. Et c’est le premier qui prononcera le mot sacré : sacro-coccygien.
 
Il rigole parce qu’il sait : tu vas bientôt être initié à des trucs que n’aurait même pas inventé une escouade d’écrivains de science-fiction employée par le Ministère de la Défense : ce kyste, cette douleur-racine, ce recentrement de l’être, n’est peut-être pas un morceau de cul.
 
Il est possible qu’une cellule d’ongle, envoyée en éclaireuse au moment du grand bouillon primordial de cellules (cette imperceptible soupe de toi qui mijota dans ta mère dans les jours qui suivirent l’insémination) se soit retrouvée paumée par erreur dans un avant-poste non prévu par le plan initial, et y soit restée.
 
Comme le soldat Japonais Hirō Onoda qui, ayant refusé la capitulation de son pays en 1945, est resté vingt-huit ans et demi dans une jungle des Philippines.
Ou alors, ce n’est pas même un morceau de toi. Peut-être que tu n’étais pas seul dans le grand bouillon primordial. Tu avais peut-être un jumeau. Une jumelle. Qui a entrouvert sa paupière de micro-cellule, a contemplé la merde, et pas fou (pas folle) a préféré te laisser te démerder avec ça (la merde).
 
Et est retourné.e dormir à la source même de ton assise, de ta bipédie, de tout mouvement : dans ton cul.
 
Cela peut ressembler à de la science-fiction fiction mais c’est bien réel.
 
Comme dit mon psy, l’identité, c’est piégé.
 
L’identité laisse-moi rire.
 
Autant que se marre l’infirmier qui te dit à présent de passer cette porte.
 
De mettre mes vêtements dans ce sac.
 
En se marrant. Ce vieux sage sait tout des deux prochains mois de ta vie.
 

23/06/2023

Mon premier livre de développement personnel XXV - les blagues débiles)

Citation inspirante.jpg

 

...

les blagues débiles sont notre premier geste créateur  
dire de la merde            notre grand secret 
laisser éclore les conneries
telles des bulles de champagne à la surface des cerveaux
telles les vérités de pollen         sortant du pif des enfants

c’est du le Grand N’importe Quoi
que naissent les fulgurances
les coups de génie
les vérités
comme dans l’histoire de l’Évolution
des bricolages de merdouilles génétiques successives
conduisent au phasme
au tardigrade
à l’inimaginable rorqual bleu

bricolage : premiers chrétiens
bricolage : l’écriture
bricolage : les bouddhismes et tout le tralala
bricolage
ma spiritualité

quelle que soit la matière
quelle que soit la forme
tout sera vrai un jour 
pour quelqu’un 
quelque part 

et ainsi :
je parlerai 
vous me suivrez
c’est obligé
car nous faisons tout ça
court-circuiter le monologue intérieur 
faire courir la pensée dans une grande roue
pour ne pas devenir dingues

c’est pourquoi vous me donnerez du pognon
moi poète
moi coach chamanique de votre envie de tout envoyer balader
vous vous livrerez à moi corps et âme
âme surtout 
dans un mélange traditions multiséculaires inventées en 1882
et de vulgarisation sur les sciences cognitives  

...

20/06/2023

Mon premier livre de développement personnel III - c'est magnifique

Pérégrination ouest.jpg

c’est magnifique

regardez bien cette image

avant-hier j’ai mis un énorme texte trop long sur les réseaux
je savais qu’il était trop long pour les réseaux 
je l’ai quand même mis sur les réseaux 

c’est magnifique 
regardez bien cette image 

les premières heures pas un like 
c’est magnifique 
puis pas douze heures après le postage 
un pote m’écrit 

je ne dirai pas qui c’est 
regardez bien cette image 
parce que je lui ai pas demandé 
je dirai juste que c’est un gars formidable 

c’est magnifique 
comme souvent les potes 
c’est magnifique 

le pote m’écrit qu’il a lu la chose et bon
il dit des choses gentilles sur la chose
c’est magnifique
parle d’érudition de drôlerie de qu’il a appris des trucs 

mais il y a quelque chose de la chose 
qui lui reste comme dans la gorge 
il ne comprend pas 
comment il doit le prendre 
où je veux en venir 

c’est magnifique
regardez bien cette image

je dis au pote 
si je savais où je veux en venir
et comment les gens doivent prendre les choses que je dis là tout de suite ici même 
je ne serais pas en train d’écrire je 
serais en train de réciter 
ce ne serait pas une aventure 

vrai de vrai 
cet ouvrage est une aventure 
je rappelle qu’on risque sa peau ici 
sinon ce serait pas marrant 
sinon ce serait pas 
la vie

comme quand j’ai commencé à demander que vous me donniez du pognon
j’ai écrit ça à des gens
j’ai écrit Madame Monsieur
j’aimerais écrire ce livre qui est Mon premier livre de développement personnel   
et que pour ça vous me donniez du pognon 
j’ai besoin de temps j’ai besoin de 
beaucoup me documenter 
regardez bien cette image 
je suis en quête de vérités avec mes armes et mes compagnons
mes armes et mes compagnons de poète 
c’est magnifique 

c’est magnifique je ne sais absolument pas ce que je vais trouver 
j’ai des préjugés je dois vaincre mes préjugés
j’ai une sale petite ironie post-moderne je dois vaincre ma sale petite ironie post-moderne
j’ai 
un vieux scepticisme enkysté
au niveau sacro-coccygien

ce livre est différent de mes précédents livres tout en en étant dans la continuité voilà ce que j’ai dit 
je ne veux plus effleurer les sujets 
cela suppose un important travail de documentation je l’ai déjà dit
mais aussi des rencontres et entretiens avec des acteurs et actrices 
d'un secteur du livre souvent méconnu des poètes

mais aussi d'essayer des pratiques et d'en rendre compte
le plus honnêtement possible avec mon expérience personnelle

l’écriture poétique est aussi une pratique j’ai dit 
c’est une voie
elle réclame régularité autodiscipline
elle va gratter dans les grandes questions spirituelles
dans les croûtes du quotidien le plus lugubre

des fulgurances de l’endurance voilà ce qu’il faut 
de la rigueur mais un esprit ouvert
de l’humour pas d’ironie facile

impossible de savoir comment ça finira 
l'écriture n'obéit pas à un plan préétabli

voilà ce que j’ai dit j’ai ajouté merci d’avance
j’ai ajouté veuillez agréer 
j’ai ajouté l’expression de mes salutations distinguées 
j’ai ajouté Grégoire Damon 

alors quand le pote m’écrit est-ce que tu pratiques
je réponds je pratique
mal peu sans vrai guide de manière peu satisfaisante
je pratique plein de choses un peu n’importe comment 
en vrai je ne sais pas quand je ne suis pas en train de pratiquer 

je pratique bien sûr 
je pratique bien sûr
regardez bien cette image 
c’est magnifique 
je réponds au pote 
la réponse au pote est ma pratique 
j’embrasse le pote 
le baiser au pote est ma pratique
je lui dis un grand merci 
son mail a été un beau moment de pratique 

l’écriture de ce bouquin c’est ma pratique

je suis pas le gars qui est en train de savoir un truc 
qui va vous enseigner le truc 
je suis le gars qui est en train d’essayer de peut-être approcher le truc

bien sûr qu’il y a du journal intime 
c’est magnifique 
le journal intime c’est structurellement la base
et aussi de la parodie 
j’ai la sale parodie sacro-coccygienne enkystée
regardez bien cette image 
en vrai j’ai du mal à me déplacer
mais un peu moins depuis ton mail mon pote