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01/07/2023

20 juillet. Hommage.

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29/06/2023

Mon premier livre de développement personnel XXXISLZ - LA SPI, LA DROGUE

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[...]

J’ai ainsi appris que spirituellement, le tramadol ne me fait pas de bien. Il donne l’impression d’être sous tramadol sur un bateau sur une mer déchaînée. Après avoir bu du punch à bas prix sous le regard amusé des stewards de La Croisière s’amuse.

La morphine, par contre, j’adore. Notamment avec un trait de protoxyde d’azote.

Et la codéine : grande onde câlin de l’univers, douce et asexué comme une parole d’infirmière qui vous raconte sa journée en vous frottant à l’eau oxygénée.

Chlorhydrate sur un sucre : flash fulgurant, qui ne dure pas mais qui te retourne la tête instantanément et te fait rigoler comme un maître zen en roue libre.

Et le protoxyde d’azote… un des meilleurs moments de mes vies.

On comprend que les gens deviennent toxico, on ne leur en veut pas. D’ailleurs on doute qu’il y ait tant de gens qui ne le soient pas – aux calmants, au chanvre, au travail, au sport, à la suave muqueuse, à l’ego, aux réseaux sociaux. On n’a jamais pu se résoudre aux produits illégaux, les opérations de prévention des années 90 ont marché sur nous, mais avec un peu d’astuce quelques bons d’achat une ou deux ordonnances on fait des miracles.

D’abord, il y a ce truc – l’impression d’être accro à quelque chose, sans arriver à déterminer quoi – comme un manque, un froid, une chair de poule à l’intérieur qui réclame un bon pull en laine mais un pull en laine qui pourrait se lover amoureusement sur chacune de tes cellules, de tes globules, de tes atomes – et tout ça, morphine, protoxyde l’azote, codéine et les autres, c’est ce bon pull en laine.

Et les bienheureuses benzodiazépines, bon pull en mur capitonné pour les soirs où ça fuit vraiment.

Mais impossible d’en rester là. Si je m’arrête à mon gros pull intérieur et j’allume la télé, nous n’apprendrons rien. Vous ne me donnerez pas votre pognon et nous n’irons pas ensemble vers l’Être, la Vérité, l’Apaisement.

J’ouvre de nouvelles pages Wikipédia, des onglets des dossiers de futura-sciences.com, je tâte du Vidal. Je lis aussi d’autres bouquins vendus à des millions d’exemplaires, des mecs avec de belles dents blanches sur la couverture.

Quelle aventure.

[...]

28/06/2023

COMMENT TOUT ÇA A COMMENCÉ - LE KYSTE

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Au commencement il y a la douleur – vieille complice de nos centres nerveux.
 
Elle ne s’installe pas n’importe où. Elle sait où viser.
 
Cette zone au bas du dos, garante de la bipédie et de la position assise.
 
Épicentre de nous-mêmes.
 
Là où l’évolution nous a laissé en cicatrice l’éternelle absence d’une queue.
 
Là où se logent l’équilibre, la souplesse des jambes, le canapé et les chips : la vie.
 
Ça a commencé par une vague gêne, au cours d’un long trajet en voiture.
 
Une sorte de démangeaison, mais de démangeaison qui ne reste pas à sa place, c’est à dire en surface – au contraire, elle tenait son siège dans un endroit profond et inconnu, mais immédiatement reconnu comme une de tes tristes propriétés.
De là, elle se met à innerver les cuisses, qui ne trouvent plus un angle décent à former avec le corps, les hanches, qui se bloquent dans une position désagréable, et le corps tout entier, pendu à la poignée au-dessus de la vitre passager comme un quart de viande dans un frigo.
 
Et voici la première leçon de cette histoire : la douleur n’est pas seulement un truc qui fait mal. C’est un truc qui rend dingue. Extra-lucide. Amoindri. Ou plutôt : chaotique. Monté à l’envers. Aberrant.
 
Tu te vois comme un de ces pantins de bois articulés qui servent dans les écoles d’art – tu projettes tous ces beaux mouvements, que tu fais depuis ta plus tendre enfance. Seulement la mécanique est grippée, le système rouillé, le bois bouffé aux termites. Et les gestes n’adviennent pas. Une main intérieure te fige, une gangue irradiante qui te limite à rien.
 
Les jours suivants relèvent de l’électricité. Une lourde onde de douleur – car la douleur a commencé : maintenant, tu ne peux plus hésiter sur le nom à lui donner – une lourde onde de douleur modèle maintenant chacun de tes gestes, ta posture, ton être.
 
Tu souhaitais monter cet escalier – je te regarde.
 
Tu avais pour projet d’intégrer cette baignoire – voyons ça.
 
Tu te souviens avec un regret tendre de l’époque où tu faisais des trucs formidables, comme te vautrer avec ravissement sur le canapé et bouquiner comme ça, pieds sur la table basse.
 
L’onde a la propriété de mettre le monde, mais surtout ces petits systèmes organiques qui le peuplent – les autres – comme derrière une plaque de plexiglas insonorisée : ils et elles vivent leur vie, font leurs gestes comme si de rien n’était, ils et elles compatissent d’un bout de sourcil, comme ça, mais il ne peuvent pas comprendre.
 
Ils ne peuvent pas comprendre. Et à partir de là c’est tout le dispositif commence à s’écrouler.
 
Les abdos – les abdos physiques, mais aussi les abdos spirituels – ramollissent comme une tablette de Milka fourrage Oreo laissé sur la table de la cuisine en plein été (il est vrai que c’était en juillet, tu avais loué cette vieille maison près de Carcassonne). Tu sais que tu ne soulèveras plus ton gosse impunément. Que tu ne soulèveras plus une pile d’assiettes impunément. Assieds-toi qu’on rigole – cela est devenu une opération complexe, mobilisant toutes les ressources des tes capacités à projeter et à anticiper, ton acceptation de cette posture raide et tremblante, sur le bout des fesses, le dos à dix centimètres du dossier, nerveux comme cinq minutes avant l’oral du bac.
 
Tu veux dormir : sur le ventre, camarade. There is no alternative.
 
Ton corps s’est réduit à une parodie, tes jambes figent à force de ne pas pouvoir plier, te voilà devenu vieux.
 
Il y a là-dedans toute la géniale ingénierie de ton complexe cerveau-nerfs-hormones que nous ne la développerons pas ici. Pour l’instant tout ce que tu connais c’est les boîtes de Doliprane presque vides qui peuplent le fond des placards, des vestes, des sacs. Tu tâtes des expédients. Le Picon-bière a des effets évidents, mais qui ne durent pas ; le petit bout de shit retrouvé au fond du tiroir du buffet t’a seulement filé la gerbe, le fond de vodka te rafraîchit la bouche et te réchauffe la langue mais le problème n’est pas de bouche n’est pas de langue : le problème c’est que tu t’épuises.
 
Une petite boule de pus – quelques millilitres, même pas de quoi remplir un doseur de Ricard – commande à ta vie.
 
C’est ainsi que débute la conscience du monde : par une forte douleur au cul.
Au bout d’une semaine c’est fatal on te déposera aux urgences de Narbonne. Les urgences ne sont pas une mauvaise manière de découvrir Narbonne, elles sont dans un bâtiment très beau très ancien, genre cloître. Elles contiennent en outre un choix d’êtres humains – de disciples potentiels – que tu ne vois pas quand tu es touriste et traverses Narbonne pour aller à la plage : ouvriers retraités à la CMU, immigrés parlant pas la langue, un bébé légèrement difforme, beaucoup de manutentionnaires et d’artisans. Et ton kyste, ton kyste, ton kyste. Et loin, très très loin en-dessous, toi.
 
Et soudain tu sens quelque chose craquer. Quelque chose de central d’enfoui d’épais, du plein centre de l’univers de la douleur qui est devenu ces jours interminables ton métier, ton écosystème et tes valeurs culturelles, ton centre. Jouissance du mouillé, giclée, presque un orgasme – presque un début d’espoir.
Mais ce n’est qu’un début.
 
L’infirmier à l’accueil te regarde en se marrant. Il sait déjà pourquoi tu es là. Il l’a vu à la tache à l’arrière de ton short. Et c’est le premier qui prononcera le mot sacré : sacro-coccygien.
 
Il rigole parce qu’il sait : tu vas bientôt être initié à des trucs que n’aurait même pas inventé une escouade d’écrivains de science-fiction employée par le Ministère de la Défense : ce kyste, cette douleur-racine, ce recentrement de l’être, n’est peut-être pas un morceau de cul.
 
Il est possible qu’une cellule d’ongle, envoyée en éclaireuse au moment du grand bouillon primordial de cellules (cette imperceptible soupe de toi qui mijota dans ta mère dans les jours qui suivirent l’insémination) se soit retrouvée paumée par erreur dans un avant-poste non prévu par le plan initial, et y soit restée.
 
Comme le soldat Japonais Hirō Onoda qui, ayant refusé la capitulation de son pays en 1945, est resté vingt-huit ans et demi dans une jungle des Philippines.
Ou alors, ce n’est pas même un morceau de toi. Peut-être que tu n’étais pas seul dans le grand bouillon primordial. Tu avais peut-être un jumeau. Une jumelle. Qui a entrouvert sa paupière de micro-cellule, a contemplé la merde, et pas fou (pas folle) a préféré te laisser te démerder avec ça (la merde).
 
Et est retourné.e dormir à la source même de ton assise, de ta bipédie, de tout mouvement : dans ton cul.
 
Cela peut ressembler à de la science-fiction fiction mais c’est bien réel.
 
Comme dit mon psy, l’identité, c’est piégé.
 
L’identité laisse-moi rire.
 
Autant que se marre l’infirmier qui te dit à présent de passer cette porte.
 
De mettre mes vêtements dans ce sac.
 
En se marrant. Ce vieux sage sait tout des deux prochains mois de ta vie.