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19/08/2020

Dards

Les guêpes remontent lentement la paroi de la bouteille en plastique. À ce stade elles ne sont plus la métaphore de quoi que ce soit - de temps en temps, l'une d'elles tente une sortie : quelque chose bloque, qu'elle ne comprend pas.

Elle refait un saut vers le bas, la surface sirupeuse, reprend quelques milligrammes de glucose, quelques forces, mais pourquoi faire ? Quelquefois une autre agonise, glucose et épuisement, cocktail impitoyable.

Les pattes prises dans des convulsions illisibles, elle fait circuler une onde de joie dans notre moelle épinière.

Nous - quatre adultes, autant d'enfants - soupçonnons, que ça nous vient d'une partie très ancienne du cerveau, tronc, hippocampe, qu'en savons-nous ? Personne n'a emporté une encyclopédie anatomique et ici ça ne capte pas.

Puis nous pensons à l'histoire du XXè siècle, à l'ébauche de XXIè, et nous nous demandons, vraiment, nous nous demandons.

 

06:43 Publié dans Exotisme | Lien permanent | Commentaires (0)

17/08/2020

Afriques

J'ai élevé cet enfant avec tout mon amour, mon temps, mon énergie.

Il n'a pas été très compliqué de le faire grandir dans un monde extraordinaire : au parc, par exemple, chaque fois que nous voyions une limace, je lui disais : girafe

"Ki'ya", il répondait. Et il était bien content.

Quand nous croisions une coquille d'escargot vide, séchée par le vent et le soleil, je disais : hippopotame.

Et pour un pinson qui nous survolait : crocodile.

"Coco'il", il répondait.

Et ainsi de suite. 

Au cours de nos voyages, il connut la gazelle, l'ibis idiot et hiératique, le zèbre. Il contourna le sourire des hyènes sans se faire remarquer, s'amusa du phacochère, faillit caresser le scorpion. Et il scruta les oiseaux charognards, qui sont partout ce qu'ils sont.

Ainsi fut-il habitué dès son plus jeune âge à survivre dans la rude savane - un jour, longtemps après, je lui apprendrais à appeler démocratie un consortium de lobbies financiers jouant aux marionnettes et liberté un grand choix de chili con carne dans un magasin de centre-ville.

En attendant, mon enseignement lui serait d'une utilité immédiate - entre les petits auxquels il se mélangeait au parc et la race fière et menaçante qu'il allait connaître à son entrée en maternelle, dans même pas deux mois, il aurait vite à apprendre à se débrouiller dans l'infinité sauvage.

 

06:25 Publié dans Exotisme | Lien permanent | Commentaires (0)

08/08/2020

Exotisme toujours

...c'est encore une fâcheuse maladie, dans les villes petites à moyennes, lorsqu'on s'adresse à un homme dans la force de l'âge - disons 65 à 78 ans à vue de nez - marqué mais encore non entamé du point de vue de la motricité, il avance bravement, casquette promotionnelle et lunettes de soleil, peut-être quelque chose de kaki dans l'habillement qui ne nous arrange pas - il avance bravement encore vert, bien qu'il évite tout de même les heures chaudes de la journée - c'est quand même un sale réflexe de penser que cet homme, dans cette ville - et nous sommes du côté résidentiel plein de grilles de fer et de jardins aux massifs de roses impeccables, loin des ruelles romanes et des bars sympas -, que cet homme est forcément un FACHO quelque part derrière ses lunettes noires, oh peut-être pas un fasciste de stricte observance, ni même un fidèle du RN ou un encarté des bonnes vieilles associations de pieds-noirs, disons un gars de la droite tradi, l'historique et RPR et décomplexée, mais dans ces petites villes on se censure moins sur le sociétal et l'immigration vous savez, on est des hommes, on a fait l'Algérie et alors alors c'était autre chose, on en a, on aime sa bagnole et on ne crache pas sur une petite partie de chasse le week-end, c'est encore disais-je un sale réflexe de penser qu'on a affaire à un gars qui planque une arme sous son oreiller lorsqu'aux lueurs du soir on vient de contraindre cet homme dans la force de l'âge à faire un petit écart, parce qu'on attend devant la bagnole ouverte, que notre femme doit descendre avec les valises, que les gosses font des roues sur le trottoir entre les valises ou se servent dans les massifs de roses impeccables, de penser de penser disais-je encore que le type va forcément vous utiliser pour solidifier sa bonne grosse haine de l'étranger et la jeter en boule un soir de ratonnade ou d'élection - on es immatriculé dans le 64 devant, dans le 69 derrière, ce genre de type n'a pas pu le louper.

- Pardon monsieur.

- Pas de quoi.

(Un temps.)

- J'ai dit : pardon monsieur.

- Oui oui, moi je vous ai dit pas de quoi.

(Les lunettes noires indéchiffrables.)

- Vous n'allez quand même pas le prendre comme ça monsieur. Je me suis excusé.

- Comme ça ? Comment comme ça ? Je vous ai dit que...

- C'est parce que mes gosses font du bruit, c'est ça ? Putain, mais vous n'avez jamais été un gosse, vous ? 

- Mais j'ai dit que...

- Monsieur est sans doute un partisan de l'autorité et de la schlague dans la gueule, eh ben il faudrait se rendre compte que les temps changent, les temps changent monsieur, Dylan, vous connaissez ? 

(La dernière assertion dite sans conviction, uniquement à des fins stratégiques)

- Calmez-vous, je n'ai jamais...

- Oui oui, on sait, on ne peut plus rien dire, c'est la dictature des gonzesses et des rastaquouères transsexuels, on connaît la chanson. Vous savez quoi ? Vous me faites pas peur, vous me faites de la peine.

- Je... 

- Non, n'ajoutez rien, ce bout de trottoir est encore à tout le monde, c'est peut-être la seule chose qui nous reste alors n'allez pas me le polluer avec vos dénégation.

- Calmez-vous monsieur ce n'est...

- Me calmer et puis quoi ? Regardez la tête de mes gosses, vous croyez que ça m'amuse de hurler comme ça devant eux et accessoirement devant toute la rue ? Mais j'ai des principes moi, je suis là pour assurer leur éducation et vous savez quoi, jamais un de mes gosses s'écrasera devant un vieux facho de petite ville.

- ...

- Ah, ah, on ne dit plus rien, hein ! C'est facile de s'amener avec ses lunettes noires et ses petits sous-entendus ! Monsieur est un étranger, monsieur n'est pas capable de mettre la bride à ses gosses, même ses valises il n'est pas foutu d'avoir la moindre autorité dessus, ah c'est ça les jeunes d'aujourd'hui, de mon temps, en Algérie, une balle dans la nuque et ça repartait, ah bravo, c'est ça votre projet de société ? Elle est jolie la France ! 

 

06:47 Publié dans Exotisme | Lien permanent | Commentaires (0)