12/12/2017
Et je sais vraiment pas pourquoi je pense à elle
la tronche
à avoir fait toutes les guerres du XXè
bon bon
en fait elle avait pris en cours
Vichy - OK
Indochine - mouais
Algérie - superbe
après
après ça se dégrade -
ce serait des menteries de dire qu'elle a été tondue à la Libération
fallait beaucoup plus que l'entraînement du troufion de base Wehrmacht pour l'approcher
la prison de Montluc
pas elle non plus
bien qu'elle se soit rattrapée
par la suite - sinon
pourquoi faire des gosses, dites-moi ? -
ensuite
on n'est pas là pour juger
c'était sa peut-être
façon de faire coïncider
la Grande et la petite histoire
on fait ce qu'on peut
et toutes les vies sont
expérimentales.
je veux dire
épouser un immigré si c'était pas un truc à vous filer des plaques
à son époque à son éducation
encore en a-t-elle choisi un qui avait une chance d'avoir porté la chemise noire
là-bas
chez les pue-l'ail
et puis un mineur qui préfère les mineurs
c'est quand même bien pratique quand on tient
à ses huit heures de sommeil.
on pense pas à ces choses
comme on pense pas aux petits détails qui manquent
pour avoir été Brigitte Bardot -
l'accent peut-être -
toutefois
on peut être issue d'une grande lignée de crève-la-fin des arides montagnes du 4-2
et avoir une vraie élégance innée dans le maniement de la Gauloise sans filtre -
ceci dit par souci d'honnêteté intellectuelle.
je ne sais vraiment pas pourquoi je pense à elle.
en-dehors du fait
que ce douze décembre a des allures de novembre pourri
un temps à glaire à morve légèrement rehaussé d'anis
toute la météo que je lui souhaite.
09:30 Publié dans Bouts de peau | Tags : la petite histoire la grande histoire, tiens damon a écrit un poème, mec on avait dit pas les grands-mères | Lien permanent | Commentaires (0)
21/11/2017
Pis justement (putain de superstitieux)
et comme ça
avant de m'y mettre
je me fume une clope
à la fenêtre.
ça se passe chez ma bienfaitrice
en d'autres termes Béatrice Brérot
mais c'est une autre histoire.
pis fait beau.
pis comme je suis une putain de supersitieux
j'interprète des signes.
pis justement un corbaque passe à ras du sol.
de gauche à droite.
pis je me demande (angoisse)
dans quel sens c'était chez les aruspices.
ces putains de superstitieux à déclinaisons.
dans quel sens les piafs doivent passer pour que ça décoince le bordel.
et voilà que mon piaf repasse de droite à gauche un gros bout de pain sec dans le bec.
encore un qui veut me forcer à prendre mes décisions tout seul.
le petit enculé.
10:04 Publié dans Bouts de peau | Tags : corbaque, aruspice, béatrice brérot | Lien permanent | Commentaires (4)
13/11/2017
Guerre sale (31 cartes postales)
Leur arracher les ongles. Enlever à la soude les traces de vernis.
(Kevin, 5 ans)
Leur maintenir la tête sous l’eau et leur facturer les bulles d’air.
(Léa, 6 ans)
Leur arracher les dents, une à une. Et puis les nourrir avec des chips.
(Redouane, 9 ans)
Leur faire le cuir chevelu au couteau électrique de la dinde de noël (mais pourquoi un couteau électrique rien que pour la dinde de noël ?).
(Maya, 7 ans)
Leur faire faire des cheveux jusqu’à ce qu’ils s’arrachent les cheveux. Et puis. Se moquer de leur calvitie.
(Louise, 10 ans)
Faire semblant de dormir, attendre. Et quand commencent les bruits de bisous, se réveiller en hurlant.
(César, 3ans)
Les faire travailler, et puis après conduire, et puis encore travailler, et manger sans mâcher, et puis pas faire la sieste, et puis retravailler, et coucher les enfants, et acheter une maison, lentement, mur par mur, plinthe par plinthe, interrupteur par interrupteur, et encore retravailler, et aller à la banque, et acheter une voiture, et travailler, (bouton par bouton, phare après phare, roue par roue) et travailler, et reprendre la voiture, et se coucher quand tout le monde dort, et après leur dire qu’ils doivent se doucher sans toucher leur zizi.
(Inès, 7 ans)
Leur mettre une chanson toute la journée dans la tête. Leur apprendre que le premier couplet.
(Gabriel, 4 ans en septembre)
Leur parler de l’amour. Leur montrer qu’ils en manquent. Et puis couper la connexion.
(Milo, 7 ans)
Allumer la télé le matin. Les faire manger devant.
(Mario, 8 ans)
Leur reparler de l’amour, leur montrer une belle voiture leur dire que c’est ça.
(Fatou, 7 ans ½)
Leur donner une petite tape sur l’arrière de la tête pour qu’ils chantent plus fort.
(Léonid, 5 ans)
Raconter une blague arriver juste avant la chute et là leur dire « maintenant, au lit ! ».
(Théo, 5 ans)
Les appeler PAPA, MAMAN, le temps qu’ils s’habituent. Leur faire un gros bisou, mais pendant, penser à ce à quoi ils ressemblaient quand ils avaient vingt ans. Pousser un gros soupir.
(Angelo, 6 ans)
Attraper du mazout avec les doigts de pieds… du sucre rose dans les cheveux… du sable dans le téléphone… des crottes de nez dans les churros… vomir sur la banquette arrière… hurler toute la nuit à cause des coups de soleil… disparaître deux heures sur la plage… envoyer le ballon sur l’apéritif du voisin de camping… celui avec le doberman… attirer les moustiques… se balader dans les rochers… pleurer pour une balade en mer… et plus vouloir pédaler… baisser leur slip de bain au moment où ils parlent avec la jolie dame… vomir sur l’aire d’autoroute… perdre leur tong gauche, toujours la gauche… pleurer pour une balade en âne puis avoir le mal de terre… ne pas digérer les palourdes… leur rappeler que c’est leurs seuls congés et qu’ils ont payé pour ça…
(Léna, 5ans)
Les faire évoluer dans un monde à deux dimensions. Leur dire qu’il ont grossi.
(Oleg, 8 ans ½, a la bosse des maths)
Chuchoter sur leur passage, et puis se taire. Et puis pouffer.
(Brigitte, 9 ans)
Les coincer devant le miroir de la salle de bains, leur dire : Perds 10 kg, on reparlera de cette histoire de complexe d’ Œdipe.
(Cyprien, 4 ans ½)
Traîner leur coupe menstruelle sur le sol des toilettes de la gare, contre les barres du métro, les poignées des portes du centre commercial, puis la remettre soigneusement à sa place et suivre l’évolution des organismes.
(Josef, 7 ans, intéressé par la biologie)
Leur faire passer des radios, des IRM, des scanner. Toutes les semaines, jusqu’à fin novembre. Entourer au feutre fluo les plus belles et les plus grosses cellules. Et à l’état des lieux, cocher la case « usure normale ».
(Jean-Yves, 10 ans)
Les enlever des photos, les faire disparaître des répertoires, des réseaux sociaux. Scientifiquement prouver qu’ils n’ont jamais existé.
(Matéo, 9 ans)
Jouer avec ce joli mot : dépression. Sous leur nez, pour leur faire envie…
(Jawad, 7 ans)
Après, bien regarder comment c’est. Dans leurs cheveux, dans les poils de nez. Dans les draps et les mouchoirs chiffonnés. Dans le balancement du corps. Prendre des notes. Tenir le journal. Attendre qu’ils aient enfin eu l’impulsion, la révolte, la pulsion de vie, qu’ils aient dit et puis (GROS MOT) ! qu’ils se soient acheté un blouson de cuir aux puces et la paire de Converse de leur jeunesse, ressorti la guitare électrique du garage. Et puis gentiment, tendrement, leur rappeler que le rock est mort.
(Liudmila, 7 ans)
Rien dire. Pas leur parler.
(Eliot, 4 ans)
Bloquer les gares. Bloquer les autoroutes. Et pour ceux qui diront « prise d’otage », les prendre au mot, un bâillon et une paire de menottes dans une cave.
(Charles, 7 ans ½)
Leur expliquer en bâillant qu’on comprend bien, mais qu’on n’a pas le choix, c’est l’économie.
(Tahar, 9 ans)
Leur dire que c’est pas la peine de chialer, ils se rattraperont à la retraite.
(Luna, 10 ans)
Les coincer devant le miroir de la salle de bains. Avoir l’air désolé.
(Wanda, 3 ans ½)
Remettre le débat sur la fin de vie. À demain. Si on a le temps.
(Léa, 12 ans)
Toujours bien préciser que c’est pour leur propre sécurité.
(Margaux, 10 ans)
09:17 Publié dans Bouts de peau | Tags : guerre sale, enfance, résistance, anti-âgisme | Lien permanent | Commentaires (0)