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09/05/2015

День Победы

mon pote me dit

toi qui aimes la Russie et la guerre

j'ai un cadeau pour toi

c'est des insignes

des vrais

je les ai rapportés de là-bas

tiens ça ça doit être la marine

ça c'est l'aviation

ça avec l'épée et la hache

je sais pas

mais ça doit pas faire rigoler tous les jours en opération

 

mon pote

a vraiment le goût des titres trop longs

c'est un chanteur de blues dans la grande tradition

mais ce soir son teint est absolument avant-gardiste          il arrive

à être à la fois rouge et blanc

y a encore des traces de fuseaux horaires sur les côtés

sûr qu'il revient de là-bas

 

y en a même un avec une lyre

c'est peut-être l'unité des poètes officiels

ou la musique militaire

oh et puis ça n'a pas d'importance

au fond ça sert à la même chose

 

on trinque et on se demande où sont les cornichons

les insignes ont deux petites pattes en laiton pour accrocher à l'uniforme

c'est fou ce que ça paraît fragile comme ça

dix millions de morts, mec

ça va s'échauffer en nous façon anciens combattants

on serait prêts à aller perturber les commémorations du 8 avec nos marteaux et nos faucilles

rien que pour leur rappeler QUI a vraiment gagné la guerre

dix millions de veuves

ça va chanter jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'au fond on est seulement contents que ça soit exotique

et que ça

le reste

alors on trinque encore on reste là à ricaner

on n'est pas très malins mon pote et moi

n'empêche

on a réussi à faire danser dix millions de veuves

au fond d'un petit verre à vodka

 

 

Моего друга зовут  Melchior Liboà.
Покупите свои  диски.

 

23/02/2015

Jamais de conneries

La première connerie qui te passera par la tête

sera la bonne, dit le sage.

C'est fou ce que je rencontre de sages dans la vie quotidienne.

Et ils ne disent jamais de conneries

ils ne disent jamais de conneries et je l'atteste

cachet de poste & intime conviction

puisque c'est ma tête

qui les secrète.

La première pensée à peu près articulée qui fera deux mètres sans se prendre les pieds dans le tapis sera avalisée,

dit le dingue.

Le dingue, je le secrète aussi, je le reconnais, je l'adoube,

mais lui, il n'a même pas besoin d'avoir une tête de vieux Chinois à momification anthume

ni de certificat d'hospitalisation ni de mot d'excuse de son addictologue pour que je le croie,

car il ajoute :

tant que tu arrives à tenir l'ironie facile et le mépris à distance raisonnable.

Je ne suis pas particulièrement doué pour la raison,

ni pour la distance.

Mais je travaille.

J'ai parfois du mal,

mais je travaille.

Parfois l'enculé sort de moi avec sa misanthropie et son attaché case,

et je m'en veux.

C'est les moments où j'ai l'impression de porter un costard en-dedans.

Et les mecs en costard me font peur.

Les mecs à attaché-case me font peur.

Les mecs costard-attaché-case qui ont le permis de conduire et une maison à la campagne me paniquent.

Mais j'ai le sage, mais j'ai le dingue.

Et je les serre contre moi.

Et ils me murmurent à l'oreille.

N'importe quelle connerie.

N'importe quelle connerie et je m'endors rassuré.

 

05/11/2014

Pause (petite précision)

Cher Nosconsolations.blogspot.fr,

 

Je fais une petite pause pour revenir sur le commentaire que tu as eu la gentillesse de me poster il y a quelques jours, quand je faisais allusion à mon opus définitif sur la connerie qui devrait sortir courant 2015 dans une des maison d'édition les plus dynamiques en ce qui concerne la poésie contemporaine.

"Il y a du boulot", dis-tu. "Je pense qu'en la matière, Bénabar a plus que son mot à dire."

Il faut que ce soit clair : quand je parle de connerie, il ne s'agit pas de stigmatiser celle des autres. J'ai deux principes, dans la vie :

1) ma connerie à moi me suffit largement comme objet d'étude ;

2) il ne s'agit pas de stigmatiser quoi que ce soit.

Je ne pense pas que la connerie soit une affaire à prendre de haut. Ce serait trop facile. Ce serait trop néfaste.

Il ne faut pas oublier une chose : même si ça cuit un peu le matin (après une nuit passée à refaire le monde avec elle et une bouteille de vodka), ma connerie est ma force agissante.

Beaucoup de gens pensent que notre monde crève de sa connerie. Moi, je pense que le monde crève d'intelligence.

Regarde autour de toi : les experts en marketing sont intelligents, les spin doctors sont intelligents, les directeurs des ressources humaines sont intelligents, les urbanistes sont intelligents, les patrons de bars sont intelligents, les conseillers principaux d'éducation sont intelligents, etc. Le moindre clodo qui essaye de te taxer un euro peut t'en remontrer sur la géopolitique mondiale.

Dans ces conditions, comment veux-tu que je fasse autre chose que d'admirer tant d'intelligence, de fermer ma gueule et de passer mon chemin ?

Je n'ai pas cette capacité à me mettre en surplomb et à apprendre la vie aux masses vulgaires. C'est une question de caractère, ou c'est un coup du complexe d'Œdipe, je ne sais pas. En tout cas, chaque fois que je me suis laissé aller à me sentir supérieur à quelqu'un, voire à éprouver un peu de haine un peu de mépris, je me suis fait l'effet d'être la connerie même. La risée des sphères.

C'est assez pitoyable, mais un jour, j'ai compris une chose : pour peu que je la considère, que je lui reconnaisse un minimum de dignité humaine, ma connerie n'est pas nécessairement mon ennemie. D'une manière générale, la connerie, c'est comme la névrose : plus tu la nies plus elle prend le pouvoir. Mais aime ta connerie, et tu te sentiras léger.

Pour en revenir à Bénabar, je suis convaincu au contraire que ce mec est plus intelligent que moi, et c'en est même triste, il doit se rendre compte qu'il est en train de se bâtir une carrière alors qu'il était bien parti pour faire une œuvre. Pour le coup, je préfère être à ma place qu'à la sienne.

Tout ça dit sans chichis, je n'ai aucune pudeur à montrer mes manques et mes limites. C'est même de là que part toute ma poésie.

C'est pourquoi les quelques critiques qui ont vu de l'ironie ou du cynisme dans mon premier recueil, Mon Vrai boulot, ont fait un contresens. Peut-être parce que, intelligents qu'ils sont, ils aimeraient bien que je sois comme eux. C'est une délicate attention, mais, comme tu vois, je m'en passe très bien.

(D'une manière générale, les gens intelligents aiment bien qu'on soit comme eux et qu'on pense comme eux. Moi, je m'en passe très bien.)

Voilà pour cette question, mon cher Nosconsolations. Je vais reprendre ma Débénabarisation de quotidien, toujours selon ma méthode préférée, qui est de prendre n'importe quelle connerie qui me passera par la tête et de la pétrir, chaque jour, de cinq à sept heures du matin, pour lui tirer son jus.


Et à bientôt j'espère.

 

GD

 

PS : Je suis allé sur ton blog et j'ai vu des choses très intéressantes, intelligentes, sensibles. J'aurais préféré m'adresser à un vrai être humain avec nom et prénom, mais je ne vais pas râler vues les jolies choses que tu dis sur Reggiani.