21/02/2014
De l'azur dans un tas de fumier
Maman était du genre à trouver de la poésie dans n'importe quoi.
Par exemple, elle était persuadée que ses ancêtres paysans vivaient dans une sorte d'Eden où les hommes et les bêtes réalisaient l'harmonie avec le soleil la pluie et la terre.
Et les femmes pilaient le mil dans des mortiers, elle disait.
Et c'était une joie de les voir tout en noir, sur les bancs, le fichu sur la tête.
Et l'émerveillement, et la simplicité, et la supériorité morale.
Papa disait que c'était sans doute pour ça que les ploucs de l'époque avaient une espérance de vie d'environ quarante ans, et des problèmes de dos.
Alors maman lui faisait le gueule.
Elle ne voulait pas admettre cette histoire d'espérance de vie : dans sa campagne, il y avait les saisons, mais à part les très vieux qui se couvraient d'écorce et devenaient des arbres, elle n'avait pas vu beaucoup de ses ancêtres sortir du cycle des graminées.
Par contre, les problèmes de dos la turlupinaient.
Maman n'était pas du genre à mépriser la douleur.
...
11:24 Publié dans Bouts de peau | Tags : azur, fumier, paysans, mythologie familiale, papa, maman, ancêtres | Lien permanent | Commentaires (0)
18/02/2014
Un jour puis un jour puis un jour
elle passe en laissant une traînée de parfum
elle agit toujours comme si elle n'avait pas conscience
d'être une chose tout à fait étrange
comme si ces parties de son corps ne venaient pas d'une autre galaxie
elle existe
comme elles le font toujours
sans se poser de question
puis elle fait un effort
ne t'inquiète pas je ne vais pas tarder à être grosse
elle a l'air sincère
mais pour l'instant il semble très douteux
qu'il existe des échangeurs d'autoroutes
des décharges publiques
des usines puant la nourriture pour chat
et des dimanches après-midi
13:25 Publié dans Bouts de peau | Tags : parfum, déesse, galaxie, échangeurs d'autoroute | Lien permanent | Commentaires (0)
16/02/2014
Je te prends, je te...
Je te prends, je te retourne — je te mets la couronne
je te la fais payer, je chiale, je fais le mort,
je change d'avis et demande à ton corps
d'être À LA FOIS une déesse et une nonne.
Tout est minable, et toi, tu n'es pas conne :
la question n'est pas de savoir si j'ai tort,
ni où est le check-point où à se prouver si fort
on devient l'enculé contre qui on marmonne.
Non. Tu le sais. Ni comment meurt l'ennui.
(Veux bien crever, moi, si le monde y survit.)
Et ne viens pas me la faire à l'époque.
(Oh !... Beauvoir ! Ikea ! T'as pensé aux gamins ?...)
C'est samedi. Encore. Et on suffoque.
S'il y a quelque chose — tu me sauves à la fin.
21:55 Publié dans Bouts de peau | Tags : sonnet, samedi, ikea, reine, déesse, nonne | Lien permanent | Commentaires (0)