21/02/2014
De l'azur dans un tas de fumier
Maman était du genre à trouver de la poésie dans n'importe quoi.
Par exemple, elle était persuadée que ses ancêtres paysans vivaient dans une sorte d'Eden où les hommes et les bêtes réalisaient l'harmonie avec le soleil la pluie et la terre.
Et les femmes pilaient le mil dans des mortiers, elle disait.
Et c'était une joie de les voir tout en noir, sur les bancs, le fichu sur la tête.
Et l'émerveillement, et la simplicité, et la supériorité morale.
Papa disait que c'était sans doute pour ça que les ploucs de l'époque avaient une espérance de vie d'environ quarante ans, et des problèmes de dos.
Alors maman lui faisait le gueule.
Elle ne voulait pas admettre cette histoire d'espérance de vie : dans sa campagne, il y avait les saisons, mais à part les très vieux qui se couvraient d'écorce et devenaient des arbres, elle n'avait pas vu beaucoup de ses ancêtres sortir du cycle des graminées.
Par contre, les problèmes de dos la turlupinaient.
Maman n'était pas du genre à mépriser la douleur.
...
11:24 Publié dans Bouts de peau | Tags : azur, fumier, paysans, mythologie familiale, papa, maman, ancêtres | Lien permanent | Commentaires (0)
15/03/2013
Le Grand Pourquoi
Il y a des gens qui se lèvent le matin et qui existent. Comme ça, naturellement, sans substances narcotiques et sans se demander à quel titre ni au nom de quoi. Il y a des gens qui se font couler une cafetière sans avoir un petit Liebniz dans la tête qui fait du trampoline en battant des mains et qui crie à tue-tête - Hein, pourquoi ? Pourquoi ?
Il y a des gens qui n'écrivent pas.
Il y a des gens qui croisent des miroirs sans se demander ce que valent ce bide ce début de calvitie du point de vue des molécules et du temps géologique. Il y a des gens, comme ça, qui se font fort d'avoir une image inversée, bien à eux, sans que la galerie d'ancêtres qui se trimballe avec se mette à clignoter au moment le moins opportun sur les trottoirs du monde.
Il y a des gens qui n'écrivent pas.
Ah, étrangler le perroquet enfoui dans les tissus du cervelet et sa crise d'épilepsie, chaque soir, au moment du coucher. Vider la masse de pus qui somnole aux endroits stratégiques, voir s'il reste de l'humain derrière.
Et peut-être un jour, pourquoi pas, écrire vraiment.
08:51 Publié dans Conneries | Tags : liebniz, vie, pourquoi, perroquet, ancêtres | Lien permanent | Commentaires (0)