16/09/2013
Quatrième forum des langues du monde
Le forum des langues, ce serait un peu comme une méthode Assimil géante à ciel ouvert : une occasion de rompre avec le quotidien, d'approcher les cultures les plus diverses et de les grappiller tranquillement au rythme qui vous convient.
Comme l'année dernière, un cabaret poétique spécial, toujours animé par el magnifico Fred Houdaer, se tiendra à partir de 18 heures 30.
J'en serai, et comme une occasion en vaut une autre pour inventer le rock'n'roll, je suis en train de vous concocter un texte entièrement inédit.
La nouveauté, c'est que se tiendra toute la journée, dans une tente, à l'abri des rigueurs de la toundra, des froids andins et des chinouks vicelards de la place Sathonay, Lyon, France, monde, un marathon poétique, organisé par le même Fred, où vous pourrez vous mettre dans l'oreille un gigantesque pot-pourri des poètes du monde entier, morts ou vifs.
13:13 Publié dans Gueuloir | Tags : forum des langues, place sathonay, samedi 22 septembre 2013, fédérick houdaer | Lien permanent | Commentaires (0)
09/09/2013
Tardieu, Nuel, la poésie, le public, tout ça...
L'ami Jean-Jacques Nuel vient de mettre en lien sur son blog une interview de Jean Tardieu par Christian Cottet-Emard très intéressante à plein de titres. Tardieu y parle de la diffusion de la poésie et du malentendu qui freine sa réception.
Si vous avez l'occasion de cliquer sur ce lien, mettez les enceintes à fond, le son est pourri, mais c'est l'occasion de rappeler quelques évidences : tant qu'il y aura des moments d'ennui au boulot à zoner sur internet, des profs de français un peu dynamiques, des troupes associatives en ayant marre du macramé en silence, des bidouilleurs de voix sur Garage Band et des anars nostalgiques, la poésie ira, d'une façon ou d'une autre, vers son public, si modeste soit-il par les temps qui courent.
Les moyens de diffusion de la poésie, sonore, filmée, en recueils, en plaquettes, en flyers, en MP3, en O et en 1, en chair et en noise, n'ont jamais été aussi nombreux et aussi exploités. Même si ça ne passe pas forcément par les structures éditoriales classiques.
Il y a encore une idée reçue ridicule de la part de nombreuses grosses maisons d'éditions (à part un peu P.O.L.) (dites devant moi que P.O.L. est une petite maison d'édition, que je rigole), selon laquelle on ne pourrait pas se faire de pognon avec des poèmes. Tant pis pour le caviar et les talk-shows, on fera avec ce qu'on a en attendant.
Mais je suis quasiment certain que cette petite superstition corporatiste, d'ordre beaucoup moins littéraire que marketing, finira par leur passer.
PS : A propos de glandouillage sur internet, François-Xavier Farine a eu la gentillesse de poster un petit texte de moi sur son POEBZINE.
10:58 Publié dans fins de séries, Gueuloir | Tags : jean-jacques nuel, jean tardieu, la poésie, diffusion, internet, se faire du pognon sur la lyre | Lien permanent | Commentaires (2)
14/07/2013
Fête nationale chez les anars
Cher Léon Ferrer,
Permets-moi de me poser avec toi cinq minutes et de fumer une bonne Celtique. Ça fait vingt ans et une aire d'autoroute que j'attends ce moment.
Les aires d'autoroutes, chez les gamins de huit ans, ça ne pardonne pas. Trop de stimuli marketing. Trop de couleurs, trop de marques, trop à bouffer et à vomir sur les sièges arrières. C'est un piège pour les gamins de huit ans, parce qu'il faut aussi compter avec l'euphorie des départs en vacances et la complaisance des sapiens sapiens qui tiennent le volant et qui savent qu'on ne triche pas avec les cinq cents derniers kilomètres.
Le 14 juillet 1993, sur une autoroute, j'ai donc appris à la radio que tu étais mort. Par la même occasion, j'ai aussi appris que tu avais été vivant pendant les presque 77 années précédentes. Et ça, ça avait l'air de compter. Je l'ai vu au regard que se sont échangés mes parents, qui pourtant n'avaient pas le moindre disque de toi. Et aussi au fait qu'on a dû s'arrêter à la première aire d'autoroute et se ruer sur le rayon musiques pour acheter deux cassettes : La Chanson du mal aimé et Bobino 61. Sur le moment, je n'ai pas bien saisi la portée de l'événement — je me suis borné, comme à mon habitude de l'époque, à apprendre Thank you Satan et Les Temps sont difficiles par coeur, sans relever les allusions à la guerre d'Algérie. Ce n'est que plus tard, à l'adolescence (fatal) que ça m'est retombé sur le coin du coeur de l'âme aux indicibilités acnéïques.
Oh, je ne t'en veux pas pas pour les semaines d'insomnie que m'ont coûté Amour Anarchie et Il n'y a plus rien. Je ne te tiendrai pas rigueur non plus pour les nuits passées à gratter de l'alexandrin à coups de grands mots abstraits. Je le répère, c'est d'adolescence qu'on parle ici, comme d'ailleurs partout et tout le temps depuis que l'espèce homo a eu l'idée tordue de s'implanter un logos derrière le palais, histoire de se compliquer la communication...
Mais il y a tout de même un problème. Avec ton ombre. Et avec tes soixante-dix-sept ans, pendant qu'on y est. Parce que tu sais, Léon, ça a fini par se voir : tu as vécu trop longtemps. Trop longtemps et trop photogénique. Au point que des artistes-popes ont fini d'arracher ton masque pour le coller sur fond de jaune d'oeuf — et ta production s'en est ressentie.
Car on ne va pas se mentir, puisqu'on est entre nous : tout ce que tu as fait après 73, les albums à rallonge avec orchestre symphonique à la polenta dans les sections de cordes, a été un peu... bâclé. C'est difficile à admettre, mais dès que tu as été seul à la barre (sans Defaye pour les arrangements, sans Marsan pour la direction artistique, sans Castanier pour les concerts), la putain de liberté d'écriture que tu t'étais permise s'est transformée en boursouflure où un trait de génie venait parfois faire du pique-assiette en douce au milieu d'un océan de gras polyinsaturé.
C'est pour ça que je me permets ce Léon, qui ne correspond à aucun état civil ni ici ni chez le feu prince Albert 1er de Monaco, et qui t'avait été méchamment collé par ce fielleux de Jacob Van der Brel, le boy scout des bordels amstelodamois. "Chez Léon tout est bidon", il ajoutait. C'est moche, mais on ne peut pas tout à fait lui donner tort : à partir d'un certain âge, je crois que tu as succombé à la pose.
Le roi de la dèche passée, c'était toi; les poètes maudits dont parlait Verlaine, c'était toi ; Verlaine lui-même, c'était toi — moins l'ivrognerie. Il y a aussi cette incapacité à reconnaître l'outrance et un certain flirt avec les limites du ridicule à l'intérieur même de tes frontières corporelles. Ces petites choses qui font que même moi et mes huit ans d'autoroute, avec nos yeux battus de groupies toujours prêts à s'embuer, avons parfois du mal à défendre ton oeuvre et ton personnage. Y compris à nos propres yeux.
J'en ai trop vu, des inaugurations de MJC et autres lancements de saisons artistico-associatives, grignotées par tes épigones. Tu n'imaginerais pas combien de septuagénaires déguisés en toi hantent les théâtres indépendants, cherchant le moindre prétexte pour beugler " Y en a pas un sur cent et pourtant ils exiiiiiiistent..." en clignant des yeux de façon compulsive.
Les épigones, c'est une société secrète. Ils sont partout, en Elvis, en Jagger, en Lady Gaga et en Léo Ferré, et ils possèdent un pouvoir réel. Et ils sont dangereux. Je ne plaisante pas, je les ai vus à l'oeuvre. Je connais au moins un bon poète qui s'est fait évincer du lieu qu'il avait contribué à créer par des retraités à cheveux longs, uniforme rouge et noir et crinière blanche permanentée avec calvitie ostentatoire façon tempête dans un crâne...
Mais comme je l'ai déjà dit ailleurs, j'ai du génie pour l'admiration. Donc, en grattant bien dans ton attitude de prophète revenu de tout, j'arrive à exhumer de la naïveté. Tu sais, la naïveté, ce merveilleux truc des autodidactes. Ça fait un peu marrer dans les couloirs du conservatoire, mais ça fait faire des choses non prévues par le réglement et les petits fours.
Et la naïveté, en ce qui te concerne, elle s'appelle Ferrer.
Parce qu'il nous parle d'un temps que les moins de quatre-vingts ans ne peuvent pas embellir au premier amour et à la mauvaise foi, où tu portais une petite moustache, et où tu traînais les cabarets de troisième catégorie en chantant sous ce nom des bluettes romantico-surréalistes d'inspiration flamenca.
Ce nom, c'était "tout ce que tu as eu d'espagnol à ce moment-là".
On ne cesse jamais de se chercher des héros, c'est ce que je me tue à claironner dès que j'ai deux Leffe dans le cornet, et ceux que tu avais à disposition, à l'époque, avaient fait 37. Mais tu avais trop d'orgueil pour devenir toi-même un épigone, c'est ça qui t'a sauvé.
Mais maintenant que tu vas te faire accrocher des légions d'honneur plein la bouche, que pourrais-je ajouter ? Je ne sais pas. À vrai dire, je ne saurais même pas te dire si je t'aime encore. Peut-être qu'il n'y a plus qu'une forme de nostalgie entre nous. Mais tu m'as quand même apporté beaucoup : l'incarnation, le débit, la mauvaise foi et la parole frontale, qui m'ont permis de survivre à cinq ans de Bonnefoycottet après le bac. Rien qu'au nom de ça, j'ai envie de te proposer un truc.
Prenons ta bagnole. Filons droit vers le sud, vers la Toscane où vivent les bas de laine de tes ayants-droits. Un petit crochet par Monaco pour saluer les dernières éléphantes à être capables d'une maladie vraiment XIXè siècle, tout ça avec du Bartok et du Noir Dèz' à fond. Et dès qu'une aire d'autoroute nous plaira, mais alors nous plaira vraiment, sortons les épigones du coffre.
Et puis démarre !
08:00 Publié dans Bouts de peau, Gueuloir, Musique | Tags : léo ferré, légion d'honneur, il n'y a plus rien, aires d'autoroute, amour anarchie, 14 juillet 1993 | Lien permanent | Commentaires (1)