Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/08/2014

Les doigts qui puent

j'aimerais écrire un poème sur les chevaux

un long poème

lyrique

rythmé

avec des consonnes plein les galops et le cliquetis des armes

avec des jeux de lumière sur l'écume au licol

des dents énormes

des croupes moirées

et des odeurs de foin

j'aimerais écrire un poème comme un hennissement

comme un souffle

comme on se cabre

comme on s'ébroue

le problème c'est que les chevaux ne sont

pas ce meuble altier qui vous effraie les Sarrazins en moins de deux

les chevaux s'en foutent de l'épopée

leur truc ce serait plutôt de vous croquer une phalange à l'heure de la pâtée piétiner le crâne quand vous ronflez bourrés

balancer leur queue dans les essaims de guêpes

(du moins pour l'expérience que j'en ai)

d'ailleurs

ceux qui aiment les chevaux

comme ceux qui aiment les chiens

comme ceux qui s'aiment eux-même à en glousser seuls sous les draps

doivent accepter de vivre avec les doigts qui puent

et ça

vraiment

c'est au-dessus de mes forces

 

21/08/2014

Le sage dit

le sage dit il n'y a pas de bègues

il n'y a que des porteurs de mâchoires qui font de la poésie sonore sans le savoir

le sage dit il n'y a pas de fous pas de victimes de Gilles et de sa Tourette

il n'y a que des prophètes

des paratonnerres à mauvaise conscience collective

tout leur passe dessus tout leur passe dedans ils sont le chœur la note de bas de page la fumée sacrée le tambour

ils vont ils viennent ils battent le rythme

ils ne s'en font pas si la 8.6 est chaude

ils savent qu'il y a plus grave dans la vie

ils savent tout par instant

par instant seulement mais ça marque les visages

ils savent parce qu'il sont cette sorte de solitude puante

qu'on trouve dans les zones commerciales après 21h

 

ils n'ont pas de famille à décevoir

ils n'ont pas d'amis devant lesquels sauver la face

ils n'ont pas besoin d'une gueule de bois

pour que le cœur leur batte aux tempes

 

il n'y a qu'eux

et la vie

et/ou Dieu

et/ou le néant

et/ou la pleine conscience d'un bon 15 août où ne rien foutre

 

 

18/08/2014

La nostalgie

Cher Gr()f,

C'est sympa de googueuliser les vieux potes. Tu pourrais ajouter que la BO était La Vierge au Dodge 51, qu'on avait des ampoules aux pieds, que des histoires de gonzesses se profilaient, qu'il était impossible qu'on ne devienne pas des rock-stars, qu'un type nous avait dit que la musique passait avec les boutons, qu'on était nés à la fête de la châtaigne de Saint-Pal-de-Mons, que nos dieux tutélaires s'appelaient Christian de la BAM et Bonne Répé, et que, malgré le fait qu'on n'était que des petits cons qui faisaient du rock, on savait déjà que notre pire ennemi était la flemme.

La preuve, on était le seul groupe du 4-2 à ne pas amener de bière à la salle de répète.

De cette époque, je garde une impression générale de sérieux, de foi et d'acharnement qui me fait dire que, malgré tout, on n'a pas complètement planté nos quinze ans.

Bien sûr, Bercy était pas prêt à nous ouvrir les bras à hauteur de nos prétentions.

Moi, j'ai mis des années à m'en remettre. Il a fallu des années de gratte désaccordée dans des bars miteux et une jolie collection de refus d'éditeur avant d'accepter. Et puis, j'ai découvert la poésie contemporaine et les performances pour retrouver les sensations qu'on avait quand on enflammait la scène de la salle des fêtes du lycée du Mazel (43). C'est très bien comme ça.

On n'est pas tous morts, et c'est déjà pas mal. Il n'y a que deux choses qui me surprennent : d'en être arrivé connement à la nostalgie, et que toi aussi tu aies fini dans la poésie.

En attendant, je vais me remettre au boulot, sinon ce sera Titanic dans les grandes eaux du sentimentalisme.

Et le monde n'a qu'à être comme il est, aussi décevant et antipoétique que possible, que c'est bien, que ça entretient la rage.