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28/07/2014

La boule que je contiens

la boule que je contiens est du même modèle que celles qui pendent aux grues sur les gros chantiers de démolition

elle est en train de bousiller mon quartier

bientôt je n'aurai dans le ventre qu'une esplanade avec espaces verts et emplacements de vélos

des familles d'architectes paysagistes s'y promèneront soulagées qu'on puisse laisser courir les enfants sans risque

moi j'aurai toujours mal au ventre

on a déjà délocalisé mes Roms et mes chômeurs

dans quelques jours il n'y aura plus que des fondations à vif

mais pour l'instant c'est cool les ouvriers sont en vacances ils ont laissé des chiottes de chantiers

pour l'instant on boit des bières d'épicerie on touche le RSA

et je souris mais

j'aimerais pouvoir te faire à manger

sans le goût de la boule qui rend métallique mêmes mes sauces les plus réussies

c'est mon ambition

c'est ce que je compte faire les dix prochaines années

la séparation de la boule est mon projet professionnel

et je le ferai

parce que je t'aime et parce que le goût de tes lèvres est comme notre vie dans notre quartier et ma sauce la plus réussie

bien meilleur sans la boule

 

24/07/2014

Ce que l'enquête a révélé

Il y a eu ce moment où l'assassin s'est laissé distraire.

Il a posé son bouquin, marqué la page avec le fil de la bouilloire électrique et il est allé à la fenêtre.

Il n'a rien vu à la fenêtre, à part les assistantes maternelles qui regardaient leur portable et les enfants qui s'amusaient à manger de la terre. 

L'assassin s'est refait un café. Il a compté les cuillères, rempli le réservoir avec un grand verre en plastique. Puis il est allé se rasseoir, a roulé une cigarette et repris son bouquin là où il l'avait laissé — tout ça avec fluidité, sans trembler, avec ses mains à lui.

Comme si c'étaient les mains de tout le monde.

Comme si on pouvait toucher une cafetière, une boîte à sucre ou un livre comme ça, simplement, en toute impunité. 

 

En sortant dans la rue il s'est mis à tituber. Il n'avait pas bu. Il avait de bonnes chaussures. Mais il s'est mis à tituber.

 

Il y a eu ce moment où l'assassin a pris peur.

Les gens marchaient. Il faisait beau. Les gens regardaient la transparence de l'air. Il y en avait même qui souriaient tout seuls.On aurait dit que l'air avait cessé de contenir le plomb et le monoxyde de carbone.

Ce n'était pas possible.

Il y a eu ce moment où l'assassin s'est demandé comment ces gens pouvaient penser à autre chose qu'à ça, rire et manger des glaces comme si ça n'était jamais arrivé, se tenir la main comme si ça ne devait recouvrir toutes les mains de la ville d'une pellicule visqueuse.

L'assassin a regardé ses mains. À cet instant, il était prêt à recommencer.

Un klaxon a résonné, un bruit de moteur beaucoup trop proche et le couteau de soleil d'un pare-choc chromé, la pensée de l'assassin s'est abolie le temps de se jeter sur le bas-côté.

La voiture a déboîté à 80 à l'heure.

Pendant une seconde, l'assassin a vécu la pure joie d'être toujours vivant.

Pendant cette seconde il a vécu exactement comme si ça n'avait pas existé.

Et puis un soleil pesant des tonnes lui a fait réaliser qu'on le voyait.

Et il a rentré la tête dans les épaules.

 

22/07/2014

René Char

tu m'as mal compris mec

j'ai pas dit René Char c'est de la merde

j'ai juste dit que j'avais du mal

avec la poésie

quand il faut rester au garde-à-vous