19/12/2012
Chemises
Il l'avait dit dans son mail : A bientôt pour d'autres aventures. Parce qu'il y en a, à raconter...
Je m'étais imaginé des trucs épiques ou dramatiques, des intrigues espagnoles, une femme, un sursaut d'activisme révolutionnaire, un marsoin, une symphonie, un VRAI boulot qui ne laisse pas chaque soir des cloques sur les mains... P., je le connaissais du fast-food, on était devenu amis dans des cuisines gluantes, il avait exercé en France et en Belgique, survécu à tout ça sans jamais dépasser le grade de Chargé de Formations, un statut intermédiaire entre équipiers et managers, qui permet de s'épargner les corvées de chiottes pour 3 centimes de plus de l'heure, mais sans émerger vraiment de la masse... Survivre, quoi.
Je lui ai illico téléphoné, ce qui est contre nos principes, mais là, l'enjeu était trop important.
- Alors, c'est quoi ? Un ticket gagnant au loto ? Une série de tableaux abstraits ? Un casoar ? Dis-moi vite !
- Eh bien, voilà : si tu reviens bouffer à M., un de ces quatre, tu nous verras en chemise, B. et moi.
- Comment ?... En chemise ?... Tu veux dire que tu... que vous passez managers ?...
(Je les vois déjà à quarante ans, exténués, répétant dans leur sommeil des pardon et des s'il vous plaît sans suite, pendus à des crocs de bouchers par des aimables clientèles, les mains attachées derrière le dos avec des guirlandes de tickets de caisse.)
- Non, non, t'en fais pas, c'est juste que les chargés de formations ont des chemises et des cravates, maintenant.
J'ai poussé un soupir de soulagement. J'étais même un peu déçu. Et puis, j'ai réfléchi.
C'est un événement considérable.
Tout ce que j'ai connu, moi, en trois ans de fast-food, tout ce en quoi j'ai cru, balayé.
Ah les salauds.
08:53 Publié dans Bouts de peau | Tags : chemise, manager, fast food | Lien permanent | Commentaires (0)
17/12/2012
Pendant les travaux...
Excuses en pack familial à ceux qui ont remarqué mon absence de ces derniers jours : j'étais en train de me chercher une esthétique pour le siècle à venir.
J'en ai encore des courbatures. Je peux à peine bouger le bout des doigts, mais ça suffit pour me pratiquer une ablation de toutes les excuses possibles concernant l'écriture.
Ah, l'écriture, sacrée écriture. Des fois, elle me fout des coups de pieds pendant mon sommeil, prend toute la place, s'annexe la couverture par décret et sans aucune consultations des acteurs locaux, et quand j'ai roulé au bas du lit, hébété, cligontant des yeux, elle a ce sourire cruel.
- Eh, tu es content de toi ? Tu te trouves postcontemporain, là, par terre, à chialer comme une poupée made in China ? Hahahahahaha (césure) hahahahahaha !...
Le rire en alexandrins, c'est pour me faire bien sentir combien c'est facile, pour elle, qu'un PROJET, un vrai, un générationnel, elle en ferait un chaque matin après cafetière-cendrier, si elle s'en donnait la peine, pendant que j'en serais, moi, encore à me limer les adverbes sur ma pauvre petite prose fast-food...
Malgré ces tentatives d'intimidation, et pour garder le moral, voici les images de ma première tentative comme acteur muet, dans le clip des excellents Queers of Montesquieu (voir le lien ci-contre) :
10:30 Publié dans Gueules de bois | Tags : écriture, projet, esthétique, acteur, queers of montesquieu | Lien permanent | Commentaires (0)
15/12/2012
Après le mot fin (complément à La Belle au bois dormant)
six cents ans de sommeil
n'étaient pas de trop
pour rattraper mon éternité d'insomnies d'avant toi
mon amour
mais
qui nous dira
si la dame araignée
qui a si patiemment tissé notre alcôve
ne nous aurait pas
chié dessus
pendant qu'on dormait
07:59 Publié dans Conneries | Tags : après la fin, belle au bois dormant, sommeil, araignée | Lien permanent | Commentaires (0)