15/05/2015
Dans le cerveau gauche
c'est pas exactement que le bonheur rende malheureux
pas exactement
c'est qu'il faut toujours trouver l'énergie quelque part
comme la peau manquera aux fesses des greffés du visage
...
le ver est dans le cerveau gauche il mange il cogite il se pose des tas de questions
une armée en campagne peut-elle se comporter autrement qu'une armée en campagne ?
deux historiens plus deux historiens ont-il déjà fait plus que quatre gentils paumés occupés à raconter des histoires pour endormir les enfants ?
...
quand il a bien bouffé il dort le ver
souvent c'est la déprime qui suit quand la sieste a été trop longue
faut faire des cabrioles plutôt que de ramasser la trottinette étalée au milieu du salon
et l'idée de la cigarette meilleure que la cigarette elle-même
...
c'est pas que le bonheur soit mauvais pour la silhouette
n'empêche que quand je me croise dans une glace il y a souvent un peu de mauvaise conscience qui dépasse
c'est tellement éloquent
et il y a tellement d'espaces d'expression
que ça donnerait presque envie d'aimer le silence
...
liberté
y a eu tellement de gens bonne volonté pour écrire ton nom partout
que ça en devient de l'intimidation
14:28 Publié dans fins de séries | Tags : liberté, ver, intimidation, bonheur | Lien permanent | Commentaires (0)
09/05/2015
День Победы
mon pote me dit
toi qui aimes la Russie et la guerre
j'ai un cadeau pour toi
c'est des insignes
des vrais
je les ai rapportés de là-bas
tiens ça ça doit être la marine
ça c'est l'aviation
ça avec l'épée et la hache
je sais pas
mais ça doit pas faire rigoler tous les jours en opération
mon pote
a vraiment le goût des titres trop longs
c'est un chanteur de blues dans la grande tradition
mais ce soir son teint est absolument avant-gardiste il arrive
à être à la fois rouge et blanc
y a encore des traces de fuseaux horaires sur les côtés
sûr qu'il revient de là-bas
y en a même un avec une lyre
c'est peut-être l'unité des poètes officiels
ou la musique militaire
oh et puis ça n'a pas d'importance
au fond ça sert à la même chose
on trinque et on se demande où sont les cornichons
les insignes ont deux petites pattes en laiton pour accrocher à l'uniforme
c'est fou ce que ça paraît fragile comme ça
dix millions de morts, mec
ça va s'échauffer en nous façon anciens combattants
on serait prêts à aller perturber les commémorations du 8 avec nos marteaux et nos faucilles
rien que pour leur rappeler QUI a vraiment gagné la guerre
dix millions de veuves
ça va chanter jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'au fond on est seulement contents que ça soit exotique
et que ça
le reste
alors on trinque encore on reste là à ricaner
on n'est pas très malins mon pote et moi
n'empêche
on a réussi à faire danser dix millions de veuves
au fond d'un petit verre à vodka
Моего друга зовут Melchior Liboà.
Покупите свои диски.
30/04/2015
Markiz/intermède à la débénabaristation
Markiz raconte sa vie sexuelle à un journal en ligne.
Évidemment, il se trouve des riverains pour trouver ça sans intérêt tout en avouant avoir lu l'article jusqu'au bout, d'autres pour traquer le traumatisme dont Markiz serait victime et qui lui conditionnerait cette sexualité atypique, bien pardonnable au demeurant, bien pardonnable.
Moi, je trouve ça très bien que Markiz raconte sa vie sexuelle. J'ai lu l'article avec beaucoup d'intérêt et de tendresse.
J'ai parlé avec Markiz. Demandez-lui, je suis sûr qu'il ne s'en souviendra pas : c'était après une représentation d'une pièce underground dont il avait dessiné les costumes, on était quarante à boire dans un appartement de la Croix-Rousse, il y a quelque chose comme une dizaine d'années. En plus, Markiz a le genre de vie dans laquelle on rencontre et on parle avec beaucoup de monde, contrairement à moi ma femme mon gosse mes trois potes officiels et mes collègues de boulot.
À l'époque Markiz avait déjà des idées très originales sur la baise, l'amour, la relation hommes-femmes, et il ne se faisait pas prier pour les offrir.
La pièce qu'il avait habillée était le pire de la routine avant-gardeuse, c'est-à-dire qu'elle aurait été avant-gardiste en 1925 (d'ailleurs je crois qu'elle était d'Alexandre Blok).
Son discours à lui m'a beaucoup plus intéressé. D'abord parce que je ne savais pas qu'on pouvait être punk et homosexuel, petit, trapu et gras, ensuite parce qu'il n'y avait rien dans la vie que Markiz ne remettait pas en cause — et en premier lieu, le langage.
Markiz était en croisade contre les insultes à caractères sexiste ou homophobe. Markiz traitait les enculés de "sucre" et les fils de pute de "tasser à café". Markiz pratiquait l'avant-garde lexicale au quotidien. Markiz faisait des happenings porno-politiques.
(J'ai rigolé sur cette notion de porno-politique. À l'époque, j'étais bien jeune con inculte, je n'avais entendu parler ni de Beatriz Preciado, ni de Lydia Lunch, ni de Wendy Delorme.)
Moi, pour la baise, comme pour la poésie, je suis un parangon du classicisme. Mais je pense très sincèrement que la poésie sombrerait dans le cucul sans les expérimentations sonores et textuelles à la BoXon, et dans l'élitisme aride sans des chansonnettes comme les miennes. De même, si la survie de l'espèce est assurée par des gens qui, comme moi, baisent avec une seule personne, dans un seul appartement garni de tapis de jeu et de cache-prises, son progrès moral est défriché par des gens comme Markiz.
Ce que j'avais loupé ce soir-là, et que je suis très content de comprendre maintenant, c'est que Markiz plaçait l'avant-gardisme sur le terrain de l'amour.
Parce qu'il n'y a pas d'autre mot. Une telle attitude d'ouverture à l'autre, une telle absence d'aprioris, c'est de l'amour pur. C'est presque le comble du christianisme.
En tout cas, partir du principe qu'un mec qui aime toute l'humanité sans attrait particulier pour la pénétration doit forcément être la victime de quelque chose, c'est cracher à la gueule de tout être humain qui se sort le cerveau du cul pour essayer de progresser.
Quand un mec vous sort :
Je ne grossis pas, j'augmente la surface des caresses.
je me demande comment vous faites pour ne pas vous rendre compte que vous avez votre dose de poésie pour la journée.
10:37 Publié dans fins de séries, Pour une débénabarisation du quotidien, Revues | Tags : rue89, markiz, vie de baise, porno politique, de l'avant grarde sur le terrrain de l'amour | Lien permanent | Commentaires (2)