30/04/2015
Markiz/intermède à la débénabaristation
Markiz raconte sa vie sexuelle à un journal en ligne.
Évidemment, il se trouve des riverains pour trouver ça sans intérêt tout en avouant avoir lu l'article jusqu'au bout, d'autres pour traquer le traumatisme dont Markiz serait victime et qui lui conditionnerait cette sexualité atypique, bien pardonnable au demeurant, bien pardonnable.
Moi, je trouve ça très bien que Markiz raconte sa vie sexuelle. J'ai lu l'article avec beaucoup d'intérêt et de tendresse.
J'ai parlé avec Markiz. Demandez-lui, je suis sûr qu'il ne s'en souviendra pas : c'était après une représentation d'une pièce underground dont il avait dessiné les costumes, on était quarante à boire dans un appartement de la Croix-Rousse, il y a quelque chose comme une dizaine d'années. En plus, Markiz a le genre de vie dans laquelle on rencontre et on parle avec beaucoup de monde, contrairement à moi ma femme mon gosse mes trois potes officiels et mes collègues de boulot.
À l'époque Markiz avait déjà des idées très originales sur la baise, l'amour, la relation hommes-femmes, et il ne se faisait pas prier pour les offrir.
La pièce qu'il avait habillée était le pire de la routine avant-gardeuse, c'est-à-dire qu'elle aurait été avant-gardiste en 1925 (d'ailleurs je crois qu'elle était d'Alexandre Blok).
Son discours à lui m'a beaucoup plus intéressé. D'abord parce que je ne savais pas qu'on pouvait être punk et homosexuel, petit, trapu et gras, ensuite parce qu'il n'y avait rien dans la vie que Markiz ne remettait pas en cause — et en premier lieu, le langage.
Markiz était en croisade contre les insultes à caractères sexiste ou homophobe. Markiz traitait les enculés de "sucre" et les fils de pute de "tasser à café". Markiz pratiquait l'avant-garde lexicale au quotidien. Markiz faisait des happenings porno-politiques.
(J'ai rigolé sur cette notion de porno-politique. À l'époque, j'étais bien jeune con inculte, je n'avais entendu parler ni de Beatriz Preciado, ni de Lydia Lunch, ni de Wendy Delorme.)
Moi, pour la baise, comme pour la poésie, je suis un parangon du classicisme. Mais je pense très sincèrement que la poésie sombrerait dans le cucul sans les expérimentations sonores et textuelles à la BoXon, et dans l'élitisme aride sans des chansonnettes comme les miennes. De même, si la survie de l'espèce est assurée par des gens qui, comme moi, baisent avec une seule personne, dans un seul appartement garni de tapis de jeu et de cache-prises, son progrès moral est défriché par des gens comme Markiz.
Ce que j'avais loupé ce soir-là, et que je suis très content de comprendre maintenant, c'est que Markiz plaçait l'avant-gardisme sur le terrain de l'amour.
Parce qu'il n'y a pas d'autre mot. Une telle attitude d'ouverture à l'autre, une telle absence d'aprioris, c'est de l'amour pur. C'est presque le comble du christianisme.
En tout cas, partir du principe qu'un mec qui aime toute l'humanité sans attrait particulier pour la pénétration doit forcément être la victime de quelque chose, c'est cracher à la gueule de tout être humain qui se sort le cerveau du cul pour essayer de progresser.
Quand un mec vous sort :
Je ne grossis pas, j'augmente la surface des caresses.
je me demande comment vous faites pour ne pas vous rendre compte que vous avez votre dose de poésie pour la journée.
10:37 Publié dans fins de séries, Pour une débénabarisation du quotidien, Revues | Tags : rue89, markiz, vie de baise, porno politique, de l'avant grarde sur le terrrain de l'amour | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
"Je ne grossis pas, j'augmente la surface des caresses", c'est pas une citation de Tony Soprano, ça ? Rendons à César...
Écrit par : Frédérick Houdaer | 04/05/2015
Non, c'est dans l'article en lien au début du texte.
Écrit par : Greg | 04/05/2015
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