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03/01/2016

Wight is white line fever

delpech.jpg

 

avec Michel Delpech

on en est peut-être à notre quatrième chanteur mort en moins d'un an

on peut aimer ou pas aimer

c'est quand même le paysage culturel d'une époque qui s'en va

je serais Pierre Perret

je serais Dick Rivers

je serais même Aznavour un peu plus vers la Suisse

je serrais les fesses

rappelons que Michel Delpech

fut un des grands trublions du rock'n'roll au début des années 70

après avoir fait ses premières armes dans Hawkwind

il se fit virer pour excès de drogues de synthèse

il fonda alors Motorhead et vous connaissez la suite

alors cancer ô cancer

tout ça est bêtement générationnel

je ne dirai qu'un mot au sujet du vieillissement des stars du rock

TIENS BON HUBERT-FÉLIX !!!!!

 

02/11/2014

Pour une débénabarisation du quotidien

Cher monde cruel,

 

Tu peux constater, si tu jette un coup d'œil sur ta droite, qu'une nouvelle catégorie vient d'apparaître sur ce blog. Elle s'intitule :

POUR UNE DÉBÉNABARISATION DU QUOTIDIEN.

Cela mérite quelques explications.

Il y a quelques jours, j'étais accoudé au comptoir d'un lieu qui s'appelle le Périscope, et qui est ce qu'on a trouvé de mieux pour écouter de la poésie. Je buvais une bière avec deux mecs de ma générations. Je te laisser cliquer dans les liens que tu vois sur ta droite, sous les catégories, et essayer de deviner de qui je parle. Et on agitait une question d'importance : comment intégrer la notion de mouche-bébé dans la poésie contemporaine ? Et sans faire du Bénabar ?

Pas par rejet de principe de l'individu qui se fait appeler Bénabar, note bien. Il y a quelques très bonnes chansons sur son premier album : je me souviens d'une en particulier, une histoire de taré amoureux d'une majorette dans un contexte de fanfare de village dans le Nord*. Mais pour l'essentiel, ce monsieur s'est fait connaître pour des textes dont la portée spirituelle revenait à dire que l'enjeu du XXIè siècle résidait dans le choix de la couleur d'une bibliothèque Billy. 

Or, quand Bénabar chante le monde Ikea, c'est comme quand Houellebecq réduit le sens de l'histoire contemporaine au tourisme en Asie du sud-est : c'est terriblement réducteur.

Certes, beaucoup d'entre nous sont concernés par l'ameublement suédois, et certes, des retraités bourrés aux as vont se faire tripoter les bourrelets à Bangkok.

Mais dans les labyrinthes géants que ces putains de grands blonds foutent dans leurs magasins comme derrière le sourire impassible des masseuses thaïes, il passe chaque jour des drames, des tragédies, des vaudevilles, des décisions irrévocables et des rêves.

Note bien que je ne prétends pas à l'originalité. Il y a toujours eu des artistes pour plonger dans un tas de factures et de chaussettes sales pour en sortir de l'or. Quand HFT chante que "ça sent la vieille guenille et l'épicier cafard dans ce chagrin des glandes qu'on appelle l'amour"**, ce n'est pas moi de quotidien qu'il s'agit que quand le précité Bénabar propose à sa moitié d'annuler un dîner pour se vautrer devant TF1. Mais ça me semble plus riche. En tout cas, moi, ça m'aide incomparablement plus à vivre.

Donc, je me lance. Je vais procéder sous formes de liste, par sous une forme brève que dans un recueil encore inédit j'ai appelé la connerie (et dont on reparlera dans quelques mois si tout se passe bien). 

Et ça ira où ça voudra aller.

À demain.

 

 

*Je ne crois pas que le Nord soit cité dans la chanson, mais si je voulais trouver des tarés ET des majorettes pour mon 11 novembre, c'est quand même là que j'irais.

**Je ne précise pas d'où sort cette citation, exprès. Cherche. Et si tu es obligé d'écouter tout Thiéfaine pour trouver, tu me remercieras.

 

 

01/10/2014

Cher Daniil Abramovitch Rozoumov

 

daniel darc,plus de russes,don pour l'admiration,arrêter la came et trouver dieu

 

Cher Daniel Darc,

Tu m'excuseras de te refiler le nom que tu aurais porté si ton grand-père était resté en Russie, mais l'objet du présent article est justement de remettre les choses à leur place et d'en finir avec un malentendu que tu as toi-même contribué à créer.

Non, Daniel Abramovitch, tu n'es pas qu'une belle histoire pour critiques mythophiles. Tu n'es pas qu'une pop-star avec un pseudonyme un peu con qui a arrêté la came et trouvé Dieu.

Si j'étais capable d'efforts suivis, "arrêter la came et trouver Dieu" serait une rubrique à part de ce blog. Il y aurait des beaux portraits à faire : Cash, Cave, Zimmerman, etc. Mais tu es le seul qui t'en sois bien sorti*.

Reprenons : à vingt piges, tu avais tout — la notoriété, la thune, une image de fondu à cravate prêt à s'ouvrir une veine pour faire décoller un concert qui rame, et un succès éhonté avec des tubes du genre "Cherchez le garçon", tellement accrocheurs musicalement qu'ils en étaient presque putassiers, mais dont le romantisme crade des textes contredisait le son en plastoc dès que tu ouvrais la bouche.

À distance, et derrière les nappes de synthé, quelle est la différence entre une chanson de Taxi Girl et une daube de, mettons, Indochine ?

La réponse est du côté de la poésie, mon pote.

Car on le sait peu, mais de ton vivant, tu as publié une dizaine de bouquins, sans compter les ouvrages collectifs. Principalement de la poésie et des hommages à des écrivains et musiciens cramés des années 50. Tu as traduit Burroughs et Ferlinghetti (et les traductions de Ferlinghetti en français sont tellement rares que si j'avais été le CNL, je t'aurais filé une rente à vie).

En enregistrement, tu testais ton micro avec les premiers versets de Howl de Ginsberg. Quant à tes idoles rock, les Morrison, Lou Reed et autres Iggy Pop, ce sont tous de grands paroliers. Je ne suis pas loin de te considérer comme une sorte de Patty Smith à la française, et pourtant ton rapport au texte a été presque systématiquement occulté par les critiques.

Qu'est-ce que tu veux, un critique rock, c'est un peu con. Et un peu midinette. Et un peu trop amoureux des mythologies. Comme toi et moi, tu me diras. Mais eux n'ont pas d'excuse. Leur boulot nécessite quand même un minimum de recul. Et d'analyse, si ce n'est pas trop demander.

Or, ce qui fait l'intérêt de tes albums ant- et posthumes (surtout les derniers, de Crèvecœur à Chapelle sixteen), ce n'est ni "le chant du signe d'un désespéré flamboyant", ni "la lueur d'espoir d'un miraculé". C'est que tu y as renouvelé la chanson en créant un rapport inédit entre le texte et la musique que je qualifierai de poétique de l'inachèvement.

Je pense aux morceaux de prose, aux adaptations de psaumes, aux intermèdes scandés, à la voix d'Arletty, aux chutes de studio où tu cherches la bonne feuille, etc..., tout ce qui peut donner une idée approximative de ce que serait un album de poésie orale, bordélique, ouvert. Et toujours dans une contradiction féconde avec les productions léchées qui portent le tout.

Car il est là, le coup de génie : si tu avais fait ça sur du free jazz, ça aurait été parfaitement inécoutable. Là, avec les playbacks impeccables, l'impression de débordement des textes devient une force.

Thiéfaine avait fait quelque chose de comparable avec ses chœurs de gosses dans Dernières balises avant mutation. Nick Cave avec Grinderman I avait aussi cherché dans cette direction : déluge sonore, larsens et approche minimaliste dignes de Tupelo ou des éructations de The Birthday party, mais intégrés dans des chansons construites.

Cher Danilka (tu permets que je t'appelle Danilka ?), tu le sais, l'expérimental, plus ça "fait" expérimental, plus c'est convenu. Le bordel ne dit rien sur le bordel. De même que la maîtrise absolue ne dit rien sur rien. Et que la pure démarche conceptuelle est un vaccin universel contre le feeling.

Tu fais donc partie des mecs, avec Léotard, Bashung** et quelques autres, qui me redonnent foi en la poésie quand je me suis trop pris d'hommages à Bonnefoy ou Char dans le gueule en me baladant sur des site spécialisés.

C'est sans doute plus facile pour toi que pour moi, vu qu'on n'emmerde pas les chanteurs pop avec des interrogations à la con sur la modernité.

Ce que vous avez fait est une possible réponse à la question : comment rendre le chaos comestible ?

Je ne sait pas pour toi, mais moi, je ne connais pas de meilleure définition de l'art.

 

 

 

* Je ne sais pas si Nick Cave a repris la came, mais il semble qu'il avait un peu perdu Dieu quand il a sauvé le rock'n'roll avec le premier Grinderman.

** Collègue poète, réécoute L'Imprudence avant de hurler.