Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/09/2014

Pourquoi la guitare ?

Il y a des gens qui apprennent à jouer de la guitare pour des raisons sexuelles.

Ou parce qu'il n'y a rien à faire dans leur bled. Ou encore, par amour de la musique.

Moi, j'ai appris à jouer de la guitare par politesse.

J'ai su très tôt que je ne serai jamais capable de fabriquer un meuble ou de réparer un moteur de voiture. Alors j'ai appris la guitare.

C'est exactement comme apporter une bouteille ou un bouquet de fleurs quand on est invité chez des gens qu'on ne connaît pas bien.

Le monde aimerait bien vous avoir à sa table. Seulement, il ne veut pas commettre d'impair vis-à-vis des autres invités. Il ne sait pas si les autres invités seront d'accord pour que vous existiez, mettons, de 19 heures à 23 heures la veille du 11 novembre, mettons à vingt centimètres de certains d'entre eux.

Il aimerait bien que vous lui montriez d'abord que vous saurez vous tenir, que votre voisin n'aura pas à vous cracher à la gueule des bouts de hors-d'œuvres italiens.

Il n'est pas sûr. Il voudrait bien.

Il faudrait le rassurer, dans son langage de vibrations.

Donc, guitare. Voilà.

J'espère que je me suis bien fait comprendre.

 

04/07/2014

C'est quand même moi qui parlerai pendant la cérémonie (et tout le monde chialera)

... et je ne t'ai pas dit que si j'avais filé c'est parce que j'avais peur que ta scoumoune devienne contagieuse.

Maintenant, tout le monde recommence à mourir, les femmes et les enfants d'abord pour bien montrer que l'ordre des choses c'est de la merde, les filles chialent, les mecs s'allument des cigarettes et regardent ailleurs des fois qu'ils y auraient l'air plus malins, la paperasse s'amasse dans un coin prête à leur exploser à la gueule, je pousse un soupir de soulagement.

J'aimerais bien te dire que je me sens coupable, mais le seul sentiment que j'arrive à raccrocher quand je pense à toi, à tes galères et à comment tu as si bien réussi à les rendre pires qu'elles n'étaient, c'est d'être encore vivant. Et d'aimer ça.

Ce n'est pas un sentiment du cœur, c'est un sentiment des dents. C'est comme ça. Je ne suis pas sadique, j'ai le vertige. Et toi, mon vieux, tu te l'es creusée sacrément profond.

Si un jour tu remontes, il faudra que tu te rendes compte que je n'exagérais pas.

Cette ville porte malheur. Et il y est bon, le malheur, pas cher du mètre carré, doux aux lombaires que c'en est presque la forme ultime du bonheur, comme on dit par ici.

Et c'est dangereux pour la poésie. C'est toujours moins de raisons de mettre un réveil à six heures du mat et d'aller au clavier, voilà ce que je trouve à dire d'intelligent un jour comme aujourd'hui.

Je le savais. J'aurais pu te le dire. Mais le malheur t'allait si bien.

Comme quand on avait quinze ans, qu'on pensait que c'était l'attitude la plus classe du monde, qu'on apprenait la guitare rien que pour trouver un débouché à nos plus belles éjaculations, et que l'amour de l'art venait de guerre lasse.

 

 

08/05/2014

Paco

 

francisco sanchez gomez,paco de lucia,synapses,transmetteurs neuronaux,flamenco,guitare

 

 

Les synapses de Francisco Sanchez Gomez sont des êtres vivants.

Je le dis, parce que je n'ai vu figurer cette information dans aucune nécro.

Et pourtant c'est évident. Je le sais depuis longtemps. Depuis que j'ai l'âge de jouer No woman no cry à la guitare. Et j'ai remarqué ça sans être un aficionado du flamenco, ni même un mec que le flamenco intéresse plus d'une heure par an.

Vous me direz : cet homme a révolutionné le flamenco avant l'âge de vingt ans. Vous ajouterez : seulement on s'en fout, du flamenco. Et je serai bien de votre avis.

Mais on ne se fout pas des synapses de Francisco Sanchez Gomez.

Les synapses de Francisco Sanchez Gomez ont une histoire. Les synapses de Francisco Sanchez Gomez ont leur sensibilité. Les synapses de Francisco - et puis merde - Paco de Lucia ont, elle aussi, leur dignité d'être n'ayant pas demandé à vivre, et essayant d'exister en détruisant le moins possible autour d'elles.

Je parle des synapses à mains. Des synapses à guitaristes, de ces synapses qui président aux gammes chromatiques et aux modes espagnols.

Il fallait douze heures de travail par jour à Paco rien que pour garder le niveau, disait-on. Douze heures par jour pour que ça soit facile. Et spontané. Et naturel. Ou tout ce qu'on voudra. Duende.

Des synapses d'une sensibilité pareille ne se mènent pas au fouet. Il fallait du doigté, du tact et une patience infinie. Elles devaient connaître les tourments des génies, la peur de l'incompréhension, le trac, la terreur de décevoir après avoir été au sommet, peut-être des caprices de diva.

Maintenant qu'il est mort, qui va leur apporter cette tendresse d'apiculteur ?

Y a-t-il dans les espaces intermédiaires un service de retraitement des synapses guettant l'éclosion des guitaristes prodiges ?

Y a-t-il une métempsychose pour les transmetteurs neuronaux ?