26/01/2016
Et sinon
Je peux aussi être heureux si y a que ça qui vous intéresse.
Je peux manger, dormir, même baiser à heure fixe les vendredis soirs veilles de jours fériés.
Mes gosses peuvent être roses, ma femme aussi, mon chat sentir un peu moins la clope que quand j'étais étudiant, on peut prendre du poids.
Et alors ça vous suffit. Vous êtes contents.
Non mais quelle société.
07:28 Publié dans Bouts de peau | Tags : heureux, moi, femme, enfants, chats, quelle société | Lien permanent | Commentaires (0)
24/01/2016
J'ai un démon
j'ai un démon sur mon porte-clés
accroché à mes clés du boulot
ding-a-ling !
il dit
pas après pas, oublie pas, je suis là !
il dit
t'as bien foiré mais je t'abandonne pas !
il dit
j'ai un démon dans la poche avant gauche de mon jean
entre un briquet et un paquet de mouchoirs
on dirait un cliquètement
mais c'est lui qui se marre
doucement —
shalom !
priviet !
salam !
et voilà tu es content
tout le monde te trouve formidable
on va te proposer une opportunité
et tu vas la saisir, mec
tu vas être à la hauteur
tu désirais autre chose ?
non ? OK. c'est 35 heures.
tu paies comment ? en vannes ou en conneries ?
sûr tu vas faire rire la galerie
faire passer l'eczéma pour un coup du gel
pis y retourner y retourner y retourner
congratulations ! t'es dans ta phase bonheur complet
tes bouts rimés tout le monde trouve ça trendy
comme un tableau abstrait dans la salle d'attente du dentiste
ça fait mal mais c'est un dentiste très chic
y a que Géo et Madame Figaro ici pas de Point de vue
tu peux t'asseoir c'est pas plus cher
j'ai un démon dans mon ventre
mais il prend plus de place que mon ventre
j'ai un démon dans ma gueule
mais il prend plus de place que ma gueule
j'ai un démon dans ma station de métro ma semelle décollée et mon épicerie bio
il prend des joues et du bagout
je m'occupe bien de lui je crois
c'est réciproque
08:48 Publié dans Bouts de peau, fins de séries | Tags : démon, travail, eczéma | Lien permanent | Commentaires (0)
22/01/2016
Jamais rien d'anodin
Jamais rien d'anodin,
dans rien. Nulle part. Jamais.
Je ne suis plus assez ado pour appeler ça de la souffrance
mais c'est crevant.
Actuellement j'écris de la poésie pour les fesses d'un type,
qui vient tous les jours se connecter sur internet dans la bibliothèque où je bosse.
Ses longues fesses rouges, comme des arguments électoraux,
ou des barbes à papa, mais qui seraient en caoutchouc rougeâtre,
à jamais figées dans l'hésitation à couler.
Et les lectrices octogénaires de romans du terroir,
et les lycéennes voilées parfaitement bien élevées,
font un petit arc de cercle en passant.
Lui, il sent.
Pas exactement la charogne : le clodo propre,
l'odeur des toilettes de la bibliothèque municipale, dans les grandes villes.
Il a 23 ans, ça je le sais,
même s'il en fait 35.
Il a 126 euros de livres à rembourser,
depuis janvier 2015.
À part ça ?
Il semble que la grande majorité des êtres qu'il insulte n'existent pas dans la même dimension que toi et moi.
Pourtant, un jour, il est sans doute capable de sortir de sa tronche et de buter quelqu'un.
Peut-être moi.
Si j'arrive aujoud'hui à être un fonctionnaire sincère,
si j'arrive à refouler ma mauvaise humeur,
j'aurai gagné quelque chose sur la morosité.
Mais lui ?
12:11 Publié dans fins de séries | Tags : bibliothèque, fou, fesses | Lien permanent | Commentaires (2)