05/12/2012
Au seuil du pays des merveilles
[...]
Jipé passe devant moi pour aller à sa voiture. Sa démarche habituelle, un Gary Cooper dans chaque patte. Sans la circulation on entendrait un bruit d'éperons. Jipé a été élevé au Far-west. C'était ça qui m'impressionnait, au début. C'est aussi pour ça qu'il est notre directeur.
Et tout à coup, c'est là :
Sa boucle de ceinture.
Carrée, large, chromée, et dessus, gravées en capitales, quatre lettres.
BOSS.
Voix de Roch dans ma tête —Et toi ? Tu fais quoi dans la vraie vie ? Dans la vraie vie, moi, je m'étouffe avec de la fumée de cigarette en essayant de retenir un fou-rire.
Ce n'est pas par méchanceté. C'est de la joie. D'avoir compris. Quelque chose est rigoureusement à la place qu'on lui a attribuée depuis le début de la création.. La vraie vie. Le genre de sens qu'on peut toucher, regarder, emporter avec soi, mais la licence d'utilisation se limite à ça, on ne peut ni le prêter ni le vendre ni le communiquer à ses descendants, et si on veut le passer en fraude de bouche à oreille à un ou deux privilégiés un soir d'attendrissement après un gros rush étreinte qui éreinte, on ne trouve pas les mots, alors on cherche, et on cherche des années et on claque tout son sang sa sueur et son foutre pour rien trouver et ça fait de vous un poète.
(Extrait de Fast-Food, work in progress.)
08:00 Publié dans Bouts de peau | Tags : fast-food, directeur, révélation, poète | Lien permanent | Commentaires (0)
29/11/2012
Premier texte théorique
Pour être sérieux deux minutes :
Ce que tu veux, ce n'est pas des droits de l'homme. C'est des cow-boys. Et des marins, et des génocides, et des bombes atomiques et des pirates et des médailles militaires.
Je te comprends. Moi aussi.
Ce qu'on aime, c'est le nucléaire, les OGM, les naufrages de boat-people, les teintureries industrielles, et l'Inde, et la Chine. Se faire exploiter, aussi.
Un monde bien gras, double fromage et supplément bacon, jusqu'à la nausée.
Moi, d'ailleurs, la poésie, c'est venu du fast-food.
Tu connais le fast-food ?
C'est un monde merveilleux. Tout est rationalisé, prévu, minuté, millimétré. Tout, sauf la fatigue.
Tu as des cors aux pieds ? Pédicure.
Tu as mal au dos ? Ostéopathe.
Tu t'es brûlé ? Vaseline. Pensements. Et tout un tas de trucs en tube et en tulle.
Tout ça d'accord.
Oui mais.
Tu es fatigué aussi.
Des fois, c'est à te taper la tête contre des convoyeurs de fonds.
Et contre ça ?
Contre ça, rien.
Rien, sauf le matin. Vingt minutes. Vingt minutes et un stylo. Et un carnet.
Le carnet n'est pas tout-à-fait innocent d'un point de vue macroéconomique : tu notes tes horaires de boulot dessus.
Mais il suffira pour l'instant.
17:56 Publié dans Bouts de peau | Tags : fast-food, nucléaire, cow-boys | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2012
Mes couilles, Mickey !
Je viens de terminer une carrière de trois ans
Dans une enseigne de restauration rapide très connue
Pendant trois ans, je me suis levé
En me demandant de combien de boeufs de poulets et de porcs
J'étais indirectement responsable de la mort
Vingt-cinq minutes
C'était mon temps de trajet quotidien
Vingt-cinq minutes de jambes
Vingt cinq minutes à me faire pousser des jambes dans la tête
Vingt-cinq minutes
C'est le temps d'un accouchement de poème au forceps
Alors après on pouvait bien me dire
Un peu de compétitivité mon pote allez tu vieillis tu deviens mou
On pouvait bien me faire sentir aisselles à l'appui
Qu'il devenait impossible de faire la différence entre
L'odeur des boeufs les poulets les porcs de l'holocauste précité
Et mon moi odeur corporelle
M'en foutais j'avais mon poème
Vingt-cinq minutes
Pour poser ma bombe aux endroits stratégiques
Je sais comment éviter toutes les caméras
Un jour elle explosera
Et vous verrez les taches que fait le rire
Sur vos chemises réglementaires
11:43 Publié dans Bouts de peau, Gueules de bois | Tags : poésie, fast-food, mcdonald's | Lien permanent | Commentaires (2)