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22/09/2013

La somme

tout ce que tu fais

tout ce que tu fais pour décoller tes paupières

tout ce que tu fais pour impressionner les collègues

les mots que tu tais pour ne pas paraître anormal aux passants

les vêtements pour avoir l'air d'avoir vraiment deux bras et deux jambes

les rideaux pour transformer les voisins en hypothèse spécieuse

et tout ce que tu fermes pour que le soleil la mort la longévité des galaxies ne soient qu'un infime éblouissement dans le bruit de la circulation

 

tout

les bouquins

la musique et le manuel de musculation

la douche le comptoir et le brouhaha enfumé

la peau le musc les cheveux avalant le visage

et la cafetière qui filtre plutôt bien les cachets d'aspirine

 

tout 

la vibration que tu cherches sous tes pieds

le tremblement de terre qui n'arrive pas

le mot juste qui tombera au bon moment

et le bateau qui finira par exister


tout ce que tu fais pour la beauté des cicatrices

tout ce que tu fais pour éviter l'ennui

tout ce que tu fais pour sentir tout le nerf dans l'étendue d'une seconde

tout ce que tu fais pour oublier ton besoin d'inaction


tout 

vraiment tout


Morning blues

quelque fois je ne sais pas 

s'il faut me remettre à mes guitares

ou à mes haltères

à mon guide de conversation russe 

à mes photos de marins

à mon évier 

ou à la cafetière


le vrai matin sera toujours celui d'après

mais on y travaille on y travaille

sans dire à haute voix

qu'il n'y a que seul

qu'on jouit de tous ces remparts à la solitude


19/09/2013

Questions de linguistique

Quand l'Indien du village trafique des clopes de contrebande pour payer sa cirrhose, c'est dans la langue que ça se passe.

Quand ton poing a envie d'aller dormir dans ma gueule, c'est dans la langue.

Quand tu sens un peu la sueur et que tu as peur que ça s'entende, c'est dans la langue.

Quand tu dis merde à tout en ouvrant une méthode Assimil, c'est dans la langue.

Quand tu te fais arnaquer au change parce que tu ne savais pas qu'il y avait la gueule de George Washington sur les billets d'un rouble, c'est dans la langue.

Quand ton dictaphone ne te rend que le chant des baleines, c'est dans la langue.

Quand l'abbé Grégoire éradique tes dialectes, c'est dans la langue.

Quand tu as encore passé toute une journée sans penser à l'existence du basque, c'est dans la langue.

Quand tu réclames la parole et que tu as soudain l'impression de causer en basque, c'est dans la langue.

Quand tu réclames un peu de respect pour tes pots de fleurs et que tu as soudain l'impression de causer un dialecte amérindien, c'est dans la langue.

Quand tu essaie de retrouver dans ta tête le nom de ne serait-ce qu'un dialecte amérindien, c'est dans la langue.

Quand tu n'as vraiment plus envie de te demander comment sonne la poésie traditionnelle indonésienne, c'est dans la langue.

Quand tu as enfin pigé que plus deux personnes parlant la même langue poursuivent une conversation, plus forte est la probabilité que la question d'où est-ce qu'on va trouver un Tunard qui vend de la vodka à un prix honnête à cette heure-ci arrive sur le tapis — c'est dans la langue.

Quand tu viens de résister à la tentation de corriger au moins trois fautes de français dans un discours nationaliste, c'est dans la langue.

Quand tu es sur Wikipedia et que tu te demandes comment on dit suomi en finlandais, c'est dans la langue.

Quand ça t'a pris une vie pour reconnaître le subjonctif à REQUIESCAT, c'est dans la langue.

 

Je ne sais pas si ça a un rapport avec ce qui se passe les deux dimanches qui viennent, mais j'espère qu'on s'y croisera.