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05/04/2016

Nous, président (extrait #4)

 

Tout le monde

dans le métro

tout le monde

tout le temps

tout le monde a envie de tuer

tout le monde

mais n'a que la place

de maintenir son livre à hauteur de ses yeux.

 

Tout le monde

j'ai bien dit tout le monde.

Même le président.

 

Ni rancœur ni colère

seulement la pulsation de l'animal plaqué contre quelque chose.

 

Même le président et c'est à noter parce que

le président n'est PAS dans le métro

le président n'est JAMAIS dans le métro

mais c'est le président alors il

fait un effort d'imagination il

TIRE

 

ce n'est pas que le président doute de sa virilité

c'est sa responsabilité pour tous les TIRS enfouis dans tous les ventres de tous les métros de toutes les villes de toutes les stations.

 

Nous nous avons l'Afrique pour ça

l'Afrique et son mystère

assez vaste pour tous les livres tous les yeux tous les tirs de FAMAS.

 

Tout le monde

dans tous les métros.

Tout le monde voudrait tuer tout le monde

et faire — peut-être sans douleur — de cette idée un tambour,

un violon.

 

En attendant, moi,

(et pas le président)

c'est ce que j'attends de ces quelques mots.

 

Je vous remercie.

 

02/04/2016

Nous, président (extrait #2)

 

Faut gérer l'économie

faut gérer la beauté

faut que tout soit fait

avec la même indifférence

le même pragmatisme

faut s'assurer que l'action soit suivie

avec assez de méthode

pour qu'elle soit reproductible quels que soient les milieux naturels et les forces en présence.

Dès le lendemain quelle que soit la cuisine

dès le lendemain 6h30

mais avec assez de mobilité pour arriver à en être

un peu surpris quand même

 

il faudrait trouver un type assez élastique

pour défiler avec un masque de moi sur le visage

et un masque de toi et un du petit et un du chat

et comme ça tous les 14 juillet

et que ça fasse vrai.

 

Il faudrait un type assez solide pour assumer

les soirs où on est trop fatigués pour baiser

et les séries à finir avant de les rendre à la bibliothèque

et les heures de sommeil qui rétrécissent

le temps pas plus solide pour autant.

 

Il faudrait un mec assez consciencieux

pour ne pas éluder le vrai problème.

 

Là-haut ils ont dû lui faire une note de synthèse

il sait que je regarde des défilés militaires russes sur internet

que tu as ce problème avec le monstre du dimanche soir

et là il ne s'agit pas d'économie

il s'agit de fantasme.

 

Il faudrait un président

des petits soldats et des visions nocturnes

un

médicament pour la vie et si ce n'est pas possible

un

traitement du symptôme et si ce n'est pas possible

un

patch anti-cauchemars

quelque chose ou quelqu'un qu'on puisse se coller contre la poitrine

là où ça fait

vide

et qu'on puisse le faire collectivement.

 

 

31/03/2016

Nous, prédident (extrait)

Maintenant

nous sommes trois — moi, le président,

et cette main tendue entre nous deux.

 

C'est la sienne.

Ce n'est pas une métaphore.

C'est une main.

 

D'ici elle n'a pas l'air si grosse que ça.

 

Lui il a l'air à peu près tout autour sauf au bout de cette main.

 

Ma main est encore moite de cette main-là

et plus vivante que d'habitude — vivante

des milliards de bactéries des milliers de mains qu'il a serrées depuis ce matin.

 

Les bactéries sont des êtres vivants.

On ne tient jamais assez compte des êtres vivants.

Les êtres vivants ont droit à leur dignité.

Ils ont droit à des mains confortables.

 

Maintenant nous sommes trois et cette main et son président me regardent avec une bienveillance infinie.

Je les regarde et

j'ai peur — trois c'est le nombre nécessaire et suffisant pour construire une minorité.