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27/09/2013

Pourquoi Oslo Deauville est indispensable à la survie de l'humanité

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Regardez bien cet individu.

Il s'appelle Oslo Deauville.

Il a une émission de radio. 

Elle s'appelle une étoile dans la gorge.

Il faut l'écouter.

Et pas seulement parce qu'il y a quelques textes de moi dans l'édition du 26/09 - avec une interprétation complètement différente de la mienne, thank you sir.

Moi, ce programme m'a fait comprendre quelque chose sur l'art et les médias. 

Comme je l'ai déjà dit ici, le principe c'est : 1) de la poésie 2) de la musique 3) un point c'est tout.

Pour la bande son, surtout du gros rock, de l'electro, que des trucs qui crissent, qui grattent, qui vous donnent l'impression d'avoir une paille de fer à la base de la colonne vertébrale.

Et pour le choix de textes, des poètes contemporains, vivants, d'aujourd'hui, nés sous Giscard si ce n'est Tonton, qui ont encore de la peau sur les os, des ongles qui pètent, des crises de foie et des galères avec leur(s) boulot(s) alimentaire(s), parfois un numéro de sécurité sociale, toujours un loyer trop élevé.

Quel est l'effet produit ?

L'urgence. 

A côté, les autres émissions littéraires (et il y en a d'excellentes) ont toujours l'air de s'excuser de montrer leur came : on explique, on contextualise, on triture le sens et les silences dans le seul but d'arriver à faire avaler à l'auditeur que la recherche de l'être chez tel poète ou l'enracinement dans la langue chez tel autre garde toute son actualité dans nos temps de crise des valeurs, etc, etc. 

Rien de tel, chez Oslo. Lui, il lit, point. Il lit ce qui lui plaît et passe les musiques qu'il veut. C'est forcément très subjectif. Mais justement : un mec qui fait oeuvre d'un vrai engagement artistique et qui y incorpore nos textes, hein, on va quand même pas se plaindre.


 

28/05/2013

Poème d'amour (deuxième tentative)

et maintenant ma connerie t'es acquise pour la nuit

je te mettrai mes chiens noirs et mes ancêtres cosmopolites

je te l'ouvrirai bien grand

ton insoupçonné

je te ferai l'indicible et l'incréé

par-devant

par-derrière la conscience 


secoue mes idiosycrasies

enfonce bien ton ton doigt entre mes contradictions

avale ma poétique


langue hystérique à toutes les dimensions du verbe

riens qui se câbrent en cadence

cette nuit ne nous laissera pas indemnes


20/05/2013

Cher Michel Thomas

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Cher Michel Thomas,

Quand je t'ai aperçu le mois dernier sur la couverture d'un magazine culturel au-dessus de tout soupçon d'un point de vue purement postmoderniste, je t'avoue que ma première réflexion a été celle-ci : " Tiens, ils ont déterré la momie de Burroughs. Elle va moins bien qu'avant... " 

Et puis j'ai compris que c'était de toi qu'il s'agissait. Un choc.

Jusque là, j'avais entretenu une relation tellement ambivalente et compliquée avec ton oeuvre, faite de haine et d'intérêt malsain, qu'il semble incroyable que tu ne sois pas ma ville natale. On disait que tu étais un poète, le dernier à la fin du millénaire à enfiler les syllabes en comptant sur tes doigts pour arriver à huit à tomber à plat de rime en fin de vers. Ce n'était pas vraiment bon. Ce n'était pas vraiment sincère. Ça sentait le cahier d'écolier et la posture dix-neuvièmiste réchauffée au micro-ondes. Pourquoi j'aimais ça ? J'ignore si je pourrai un jour répondre à cette question, ni si c'est vraiment souhaitable. Disons que j'étais trop jeune. À cet âge on a besoins de repères.

Et quel autre repère aurais-je pu voir à l'époque? Tu bouchais le paysage. Tu t'étais fait un nouveau nom, visible comme un zona au milieu de la figure, avec des C et des Q entrechoqués au mépris de nos respirations difficiles. Un nom facile à référencer, des années avant la généralisation d'internet. Un nom qui allait bien avec ta voix traînante, tes yeux mornes-whisky et ta manière particulière de tenir ta cigarette, entre majeur et annulaire. Tout en toi était si furieusement marketing, que pendant dix ans, on n'a vu que toi sur les étalages, dans les rayons, aux pages de pubs des pires émissions de variétés... 

Et il y avait tes romans. Tes romans, parlons-en : tellement intelligents, tes romans. Tellement structurés par l'esprit de synthèse, que le monde visible - pas que ton monde, le nôtre aussi, par contrecoup - s'était brusquement réduit aux dimensions de tes poignées d'amour pâlottes.

Nous étions tous devenus des cadres moyens en manque affectif.

Sale période de ma vie : c'est difficile de vivre en cadre moyen blasé quand on culmine à 800 euros par mois. Et c'est difficile de croire en la vie comme un parc d'attraction sous la pluie quand on connaît la joie intense de fumer des clopes illicites au soleil, près du broyeur à cartons d'une usine agroalimentaire. J'ai même failli arrêter d'écrire.

Et voilà que tu reviens à la poésie. Si on était face à face, j'en rougirais probablement, mais là, dans le secret confessionnel de ce blog, je peux l'avouer : ça m'a remonté le moral. Pas que la vue de ta maigreur soudaine m'ait contrarié outre mesure - les grands hommes, ça meurt, c'est même comme ça que ça se solidifie. Mais enfin, depuis le temps, obliger les critiques littéraires parisiens les plus branchouilles à lire et à chroniquer du vers, et même pas du vers libre, c'est déjà un spectacle qui vaut son prix en papier.

J'ai longuement hésité avant de me procurer ton recueil. Beaucoup de tes collègues méritaient davantage que je consacre mes maigres deniers à leurs droits d'auteurs anorexique. Des VRAIS poètes, pour certains. Et des romanciers de bonne foi. Et des nouvellistes soucieux d'un minimum de forme.

Je n'y ai pas tenu. J'ai fini par céder. Mieux que ça : je l'ai ouvert, ton recueil.

Et c'est là que le miracle s'est produit : en quatorze ans, tu n'as pas progressé d'une époque ou d'un traité de versification. Ce sont toujours les mêmes octosyllabes poisseux et les mêmes rimes de dictionnaire. Le contenu non plus n'a pas changé. Refus du mystère. Morne sexualité. Prosodie digne d'un guide de montage IKEA. Bref, une poésie réconfortante comme un sex-shop en face du cimetière.

Qu'est-ce que tu y auras gagné ? Pas d'argent, certes. Ni de gloire. Mais peut-être, à l'approche du dernier rivage, un petit rab d'adolescence.

Je te comprends.

Moi aussi, je me ferai baptiser sur mon lit de mort.