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08/08/2020

Exotisme toujours

...c'est encore une fâcheuse maladie, dans les villes petites à moyennes, lorsqu'on s'adresse à un homme dans la force de l'âge - disons 65 à 78 ans à vue de nez - marqué mais encore non entamé du point de vue de la motricité, il avance bravement, casquette promotionnelle et lunettes de soleil, peut-être quelque chose de kaki dans l'habillement qui ne nous arrange pas - il avance bravement encore vert, bien qu'il évite tout de même les heures chaudes de la journée - c'est quand même un sale réflexe de penser que cet homme, dans cette ville - et nous sommes du côté résidentiel plein de grilles de fer et de jardins aux massifs de roses impeccables, loin des ruelles romanes et des bars sympas -, que cet homme est forcément un FACHO quelque part derrière ses lunettes noires, oh peut-être pas un fasciste de stricte observance, ni même un fidèle du RN ou un encarté des bonnes vieilles associations de pieds-noirs, disons un gars de la droite tradi, l'historique et RPR et décomplexée, mais dans ces petites villes on se censure moins sur le sociétal et l'immigration vous savez, on est des hommes, on a fait l'Algérie et alors alors c'était autre chose, on en a, on aime sa bagnole et on ne crache pas sur une petite partie de chasse le week-end, c'est encore disais-je un sale réflexe de penser qu'on a affaire à un gars qui planque une arme sous son oreiller lorsqu'aux lueurs du soir on vient de contraindre cet homme dans la force de l'âge à faire un petit écart, parce qu'on attend devant la bagnole ouverte, que notre femme doit descendre avec les valises, que les gosses font des roues sur le trottoir entre les valises ou se servent dans les massifs de roses impeccables, de penser de penser disais-je encore que le type va forcément vous utiliser pour solidifier sa bonne grosse haine de l'étranger et la jeter en boule un soir de ratonnade ou d'élection - on es immatriculé dans le 64 devant, dans le 69 derrière, ce genre de type n'a pas pu le louper.

- Pardon monsieur.

- Pas de quoi.

(Un temps.)

- J'ai dit : pardon monsieur.

- Oui oui, moi je vous ai dit pas de quoi.

(Les lunettes noires indéchiffrables.)

- Vous n'allez quand même pas le prendre comme ça monsieur. Je me suis excusé.

- Comme ça ? Comment comme ça ? Je vous ai dit que...

- C'est parce que mes gosses font du bruit, c'est ça ? Putain, mais vous n'avez jamais été un gosse, vous ? 

- Mais j'ai dit que...

- Monsieur est sans doute un partisan de l'autorité et de la schlague dans la gueule, eh ben il faudrait se rendre compte que les temps changent, les temps changent monsieur, Dylan, vous connaissez ? 

(La dernière assertion dite sans conviction, uniquement à des fins stratégiques)

- Calmez-vous, je n'ai jamais...

- Oui oui, on sait, on ne peut plus rien dire, c'est la dictature des gonzesses et des rastaquouères transsexuels, on connaît la chanson. Vous savez quoi ? Vous me faites pas peur, vous me faites de la peine.

- Je... 

- Non, n'ajoutez rien, ce bout de trottoir est encore à tout le monde, c'est peut-être la seule chose qui nous reste alors n'allez pas me le polluer avec vos dénégation.

- Calmez-vous monsieur ce n'est...

- Me calmer et puis quoi ? Regardez la tête de mes gosses, vous croyez que ça m'amuse de hurler comme ça devant eux et accessoirement devant toute la rue ? Mais j'ai des principes moi, je suis là pour assurer leur éducation et vous savez quoi, jamais un de mes gosses s'écrasera devant un vieux facho de petite ville.

- ...

- Ah, ah, on ne dit plus rien, hein ! C'est facile de s'amener avec ses lunettes noires et ses petits sous-entendus ! Monsieur est un étranger, monsieur n'est pas capable de mettre la bride à ses gosses, même ses valises il n'est pas foutu d'avoir la moindre autorité dessus, ah c'est ça les jeunes d'aujourd'hui, de mon temps, en Algérie, une balle dans la nuque et ça repartait, ah bravo, c'est ça votre projet de société ? Elle est jolie la France ! 

 

06:47 Publié dans Exotisme | Lien permanent | Commentaires (0)

06/08/2020

Suite de la carte postale précédente

, nous disons-nous avec mon pote de l'autre fois.

 

Notre problème n'est pas tant d'ailleurs de trouver assez de matière pour écrire nos poèmes en attendant la fin des événements.

 

Notre problème est de ne pas nous transformer en vieux cons aigris.

 

Comme toujours et pour tout, c'est une affaire de mise en forme, aussi pour la cent millième fois comptons-nous nos abats :

 

- notre grande soeur adolescente, là-bas dans le jadis, qui fume des cigarettes ;

- les jeunes filles brunes dévidées par la porte du HLM ;

- le gosse, le même que d'habitude, mais en neuropédiatrie ; 

- une plage de sable fin sous-entendu et la file des gars qui attendent leur tour au Forum réfugiés ; 

- les doigts du type qui recharge la machine à café du boulot ; 

- tout ce qu'on peut faire avec des cheveux longs, quand ils sont assez longs pour les mettre à la bouche ; 

- notre grand-mère vierge, et grosse lectrice, à un point quelconque de l'espace-temps quantique ;

- la mer qui continue à revenir vers les localités du Var, comme si elle était décidément amoureuse du béton ;

- les chargeurs les piles et les trucs en plastique qui se reproduisent dans le tiroir du buffet ; 

- une pensée pour les containers qui quelque part en mer du Nord ; 

- notre gueule devant le miroir quand c'est le grand retour de la Saison des Merdes ® ; 

Allaou Akbar merci pour l'apéro et bonjour chez vous ; 

- les gens cool en général, les artistes en particulier, c'est-à-dire ceux qui ont fait de l'artisme une vraie raison sociale ;

- nos bites bien bien après, lorsqu'elles commencent à sentir autre chose que nos bites, quelque chose comme une forêt primaire ; 

- l'agonie d'une guêpe dans la grenadine pure, et encore pas tant ça, que notre propre joie à la regarder ; 

- les gens à beaux yeux qui depuis le port du masque obligatoire écrasent les gens à belles ; 

- notre culpabilité de rejetons de la classe moyenne en équilibre sur l'échelle sociale essayant de ne pas regarder en bas ; 

- la joie authentique de pouvoir foutre des points-virgules, pour une fois qu'il se justifient vraiment ; 

- notre femme, ses cheveux, sa vésicule biliaire, ses impérieuses et divines menstrues et tout le cosmétique ; 

- liste non exhaustive. Merci.