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10/03/2014

Critique &

Cher Jibé Moinat,

 Je tenais à revenir sur la critique que tu as faite de mon bouquin sur le blog culturel Les Heures perdues.  

D'abord parce qu'elle est enthousiaste (merci à toi), mais surtout, parce qu'elle m'a fait réfléchir. 

Tu sais, Jibé (je me permets de t'appeler comme ça parce que j'ai l'impression qu'on a plus ou moins le même âge), j'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les gens capables de dire toutes ces choses profondes sur LA poésie, LE poète, etc. Ce n'est pas mon cas. Je suis même une sorte de débile profond dès qu'il s'agit de théoriser ou de généraliser quoi que ce soit. Par exemple, j'ai du mal à me faire à l'idée de défendre à tout prix la poésie parce que c'est de la poésie. Si je n'étais pas parvenu à me sortir de la tête l'idée universitaire selon laquelle la modernié poétique bonnefoyjaccottienne serait le seul salut à notre absurde époque où le langage a abdiqué ses prétentions sur le moi, le monde et la réalité, eh bien, putain, je n'aurais pas écrit ce bouquin et on ne serait pas là, toi et moi, à causer. Je crois même que si j'étais resté dans le milieu universitaire (si j'avais, mettons, fait une thèse, préparé l'agrègue, etc), j'aurais complètement arrêté d'écrire.

Bien sûr que je défends ma forme d'expression, certes, d'abord parce que c'est la mienne (faut pas déconner), mais je ne me définirai jamais comme pur poète, et d'ailleurs, en tant que lecteur, je n'ai qu'un critère : toute oeuvre d'art, ingurgitée ou régurgitée, doit me permettre de vivre un jour de plus sans devenir dingue et sans que la merde gagne.

D'où, peut-êtren l'aspect "chronique" de ce que je fais.

Mais tu sais, Jibé, il y a pire que moi. Il faut que tu connaisses un mec qui s'appelle Simon Allonneau. A côté de lui, je fais du Saint-Jean, du Ezéchiel, du Lautréamont, tellement il bosse, lui, dans l'anecdote toute sèche.

J'en parle ici parce que c'est un des rares, ces dernières années,  qui m'ait influencé au point de remettre en question tout ce que je pensais de la poésie. Pour une raison bien simple : c'est le roi de la débénabarisation du quotidien — et moi, le quotidien, la trivialité, et comment y survivre, c'est justement ce qui me questionne le plus en ce moment, littérairement parlant.

Et à cet égard, permets-moi une remarque.

Pour reprendre l'expression du sieur Thélot que tu cites dans ton article, bien sûr que la "verbalisation de la vie, [le] passage de la vie dans la parole" me passionne, mais "passer sa vie à ne rien faire, à ne rien faire" qu'y travailler me paraît être une sorte d'utopie accessible seulement à quelques rentiers/chroniqueurs mondains/semi-universitaires à chaire moitié fictive. Et je n'ai a priori aucune envie de lire une littérature qui fait comme si le travail, la femme, les gosses, les papiers de l'assurance et les pannes de la cafetière n'existaient pas.

Ne serait-ce parce qu'écrire sert aussi à chercher comment survivre à tout ça.

  

 

08/03/2014

Ça gueule en mars !!!

Photo GD1.jpg

 Photo : Denis Svartz

 

En mars, il n'y a pas que des giboulées, des journées-hommages adressées par Vladimir Ilitch à la moitié de l'humanité et des anciens présidents piégés par leur portable.

Il y a aussi de la poésie. Et pas seulement au printemps des poètes.

Je voudrais d'abord signaler la parution du n°1 de la revue multimedia Sans-Titres, qui a eu la gentillesse de me prendre un texte. 

Nettoyez vos lunettes et branchez les enceintes, y a à voir et à écouter.

Ensuite, ça va s'échauffer du côté de l'internationale des propriétaires de cordes vocales, et, en ce qui me concerne, ça commence le mercredi 19, avec la journée de débats La poésie, et maintenant ? , qui se tiendra à la bibliothèque de la Part-Dieu (30 bd Vivier-Merle, Lyon 3è). 

La journée commencera à 9 heures et consistera en une série de tables rondes entrecoupées de lectures/performances de Claire Rengade, Katia Bouchoueva, Patrick Dubost et Armand le Poête...

J'y prendrai part à partir de 16 heures 45 dans un exercice de défense et illustration de la diversité poétique, en compagnie d'Annie Zadek, Mohammed El Amraoui, Emmanuelle Pireyre et Jean-Pierre Bobillot. 

Les lectures/tables rondes/fauteuils/petits fours vous sont généreusement offerte par l'Arald et la bibliothèque municipale de Lyon.

 

A suivre...

 

02/03/2014

Le prix

ils ne voudront pas l'avouer 

mais il n'y a pas de raison pour que l'homme le plus malheureux du monde

ne le soit d'un malheur de riche

qu'il ne soit issu d'un milieu privilégié

plein de bibliothèques à reliures cuir 

qu'il ne sache parler en public

qu'il n'ait le demi mot toujours au coin des yeux

et un génie inné 

pour porter le blazer

 

c'est que 

dans la compétition qu'ils se livrent chaque année

ils sont tellement nombreux tellement déterminés

que celui qui décroche le prix 

est forcément connu du jury

 

il sait qu'on n'aime pas 

ce qui crève muettement

il sait qu'on n'aime pas

ce qui se trompe de connerie

et il sait qu'on n'aime pas

que la douleur ait le manque de tact

de puer sous un pont

 

l'homme le plus malheureux du monde 

ne commettra aucune tentative de suicide qui pourrait manquer d'hygiène

il ne vous donnera pas de raison objective

il faut que sa douleur soit toute pure 

qu'elle touche à l'ineffable

qu'elle emploie des mots vagues

et qu'elle apporte un minimum de recherche formelle

mais sans rouille au réel

 

c'est à dire

qu'elle peut chanter 

mais sans aucun autre bruit du corps

 

et quand un an après

il lui faudra céder son titre

l'homme le plus malheureux du monde

ne traitera pas le jury de vendu