28/03/2017
Gratos XIV
...
ensuite
mon
binôme
me raconte
une autre
aventure
con-
cernant
un
objet
tombé
derrière
son
frigo
je
n'ai pas compris
s'il
s'agitait
d'un
portefeuille
ou d'un
plat à tarte
toujours
est-il qu'
Arlette
et lui
durent
déplacer le frigo
non sans
découvrir
un
tapis
de crasse
et de
poussières agglutinées
qu'aussitôt ils
nettoyèrent
à
grands renforts
d'as-
pirateur
et de
détergents industriels
en
tirant une
morale
définitive
sur
les frigos
et la
rapidité
de la
crasse
qui
s'accumule
-
ce
disant
il se
fait
son
sixième feu rouge
de la matinée
et dans
l'habitacle
de mon
cerveau
il est
à peine
7h32
de ce
côté
du monde
mais le
soleil
est levé
depuis
je ne sais combien de temps
le
printemps
a fait
les poches
de mes yeux
soutirant
tout le mystère
-
je
pense
aux
poissons
aux
anémones
aux
coraux –
coraux
qui sont
des
animaux
des êtres
pourvus d'âme
qui
mangent
qui
chient
qui
rêvent peut-être
je
me souviens
que
passée la limite des
coraux
des
merveilles scintillantes
passé
le mystère
retrouvée
la pesanteur
cette
île
est la
pire aberration
économique
de l'Océan
Indien –
mono-
culture
poly-
glottisme
illettrisme
20%
chômage
30%
fonctionnaires
idem
subventions
européennes
je me
souviens
de ces routes
concassées
par les chutes
de pierres
ou
recouvertes
tous les deux
ou trois ans
par les coulées
de lave
et qu'on
reconstruit
qu'on
réhabilite
mordant sur
l'océan
je me
souviens
du taux
d'obésité
des hectolitres
d'insuline
dans des milliers
de seringues
attendant
l'humain
qu'on
gave
d'imports
saturés en
sucre
à base de betterave
produite
en Normandie principalement
et dans
les Hauts-de-France
afin
qu'ils
ne se révoltent pas
comme
moi
comme
mon binôme –
je me
souviens
du sucre
de betterave
au supermarché
deux fois
moins cher
que le sucre
de canne
produit
locale-
(de temps en temps mon
binôme me demande
où c'est que j'ai loué aux
Antilles – car dans
deux ans
il aura fini de payer sa
campagne Arlette
aura ses
trimestres)
- ment mon binôme quant à lui
vit assez bien la
situation/
son foie :
à la Banque Populaire
son cœur :
chez Century 21
ses poumons :
chez un concessionnaire Renault
son rêve :
dans le magasin d'un revendeur
de motos
de l'avenue de Saxe
son crachat :
éternellement pour un
système qui
économiquement
le rend
possible –
car il
a le don du
langage créateur
il
est au centre de tout
c'est
son leitmotiv
il dit
c'est quand même nous la moelle épinière
il
assume parfaitement d'être
par
la vertu magique
de son
langage
le seul
l'unique
travailleur véritable
de ce nid
de feignasses le
détenteur de l'art
de vivre
avec
ses vingt ans de crédit
ses
deux bagnoles
son
anesthésie télévisuelle
pour
tout le temps passé
à
ne pas rembourser –
économiquement mon
binôme
est comme
ce sage
attendant la mort sur
sa montagne : ne veut
rien
n'espère
rien
a tout
pigé
mais laisse
aux jeunes générations le
soin de refaire le
chemin
afin de communier dans
son monde
parfait
clos sur lui-même
où rien ne sort
ni
ne rentre
qui soit de l'ordre de
la pensée
un monde qui
à force d'être
ressassé finit par
s'incarner
comme un
ongle
qui
à chaque
pas me procure
non une
douleur
mais une
gêne bien
réelle – ce qui
fait de mon binôme
à
sa manière et pour
moi seul un
poète.
06:24 Publié dans fins de séries, Gratos | Tags : aberration économique, crédit, poète | Lien permanent | Commentaires (0)
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