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30/11/2014

Pour une débénabarisation du quotidien 72/82

72) Pas que je sois méchant. Mais j'aime faire des listes. Mettre des jalons à un jour plus un jour plus un jour. Des barbelés entre moi et la dentition d'un jour plus un jour plus un jour.

 

73) D'ailleurs Génial le Poème repart, tout ragaillardi, il a bien commencé la journée, ce serait bête de s'arrêter.

 

74) (Présentement Génial le Poème a pris possession de mon pantalon à moi, de mon slip à moi, il emprunte avec mes chaussures mes chemins et mes mains à moi. Par-dessus, le sang, c'est celui d'un peu tout le monde.)

 

75) Donnez-nous du grand malheur. Donnez-nous des mauvais départs dans la vie, des incidents à l'accouchement, des fièvres puerpérales. Donnez-nous autre chose que des stress de petits chefs. De quoi souffrir pour de vrai dans la belle la grande cuve de malheur et culpabiliser nos descendants sur trois générations. Parce que ces névroses, ces culpabilisations et ce malheur, c'est encore de l'amour.

 

76) Génial le Poème est très conscient du fait que, lorsque douleur se fait à coup de néant et petites factures, on vous regarde par-dessus l'épaule et aux mieux on vous offre une cigarette. Mais quand vous avez vu un mec à deux heures du matin grimper à un arbre sur une jolie placette des pente de la Croix-Rousse tandis que les autres faisaient une petite pétanque de deux heures du matin, quand vous avez vu ce mec manquer une prise à huit mètres de haut, rebondir deux fois (1 : dos. 2 : torse.) et sceller son destin à un fauteuil roulant, eh bien vous avez droit à des câlins.

 

77) Donnez-nous des malheurs à dessoûler en commun et en deux secondes, même cochonnet de deux heures à la main. Donnez-nous des câlins avec des parfaits inconnus. Jamais les inconnus ne furent parfaits comme cette nuit-là : jamais vus avant, pas revus après. Mais c'était une belle nuit et tous s'en souvinrent...

 

78) Génial le Poème aborde un clodo. Son premier aujourd'hui. C'est décidément une bonne journée : Génial le poème a une peur panique des gens qui ont des chaussures sans trous. Ici, pas question de gens, c'est de l'homme. Il gare la poussette à bonne distance (pas question que la nature sauvage approche de l'homme, rapport aux microbes), et il va secouer le clodo.

 

79) Tu as vu Dieu ? T'as un côté mystique ? Tu prévois l'apocalypse ? L'anticyclone ? Tu sais la vraie date de la fin du monde ? Tu as un autographe de Jack l'éventreur ? Non ? Tu connais la vraie échelle des responsabilités du conflit israélo-palestinien ? Comment ? Je n'ai pas entendu ? Tu as bien trouvé la sainteté au fond de la dernière des inhumanités ? Tu ne vas pas me dire que j'invente ? Tu ne vas pas prétendre que t'as pas un côté au moins un peu chamanique ? Que tu n'es que ça ? Qu'HOMME ?

 

80) Ce coup-ci, pour le néant d'après-homme, pas besoin de creuser une fosse : un cadavre de clodo est invisible dans la flore du centre-ville. Ce n'est qu'au moment de récupérer la nature sauvage (qui s'est endormi dans sa poussette) qu'il a envie de s'insulter, car j'ai oublié de racheter du gel hydroalcoolique sans rinçage. Ça la fout mal, pour quelqu'un qui adore les listes.

 

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82) Quelquefois Génial le Poème dans mes chaussures n'aspire plus qu'à se mettre en grève de la vie.

 

 

Les efforts de débénabarisation n°67 à 71 sont accessibles ici sur le site d'Emanuel Campo.

30/06/2013

De l'action sociale par l'animation culturelle

 

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(...& ça fait des années que je fréquente la bibliothèque municipale  de L... & ça fait des années que croise des hommes barbus d'un teint de brique fumée dans le sas des toilettes du rez-de-chaussée, des hommes barbus avec des mains violettes & des manteaux ajourés quelque soit la saison, un sac est posé devant eux retenu par un genou contre le cache-tuyau du lavabo...)

(...& ça fait des années que je sais avec quelle application ils se peignent & se peignant adorent insulter le monde et les toilettes de la bibliothèque municipale et son sas où c'est pas vrai enfin & où bordel de dieu on n'est jamais tranquille...)

(...& je sais le vent le frimas la houle dans leur bouche et un enculés de merde je te je te je te ferai bouffer ton tu va voir clapotis surnageant de temps à autre...)

(... & je sais qu'avant Joyce et le monologue intérieur chacune de leurs imprécations commençait par des quelle ne fut pas ma surprise des n'était la certitude qui me tenait & des oui !... Car, me disais-je...)

(...mais quelque soit le procédé je sais que c'est l'instant où je voudrais m'envoyer des avalanches de nerfs de boeufs pour me punir de ne pas avoir un dictaphone sur moi pour enregistrer la seule vérité du monde remâchée encore & encore & en-dehors des heures ouvrables jusqu'à en devenir violette, brique, barbue & soigneusement peignée dans le sas des toilettes de la bibliothèque municipale de L...)

(... de même que je sais au rasoir comment ils tassent avec amour les piles de slips lavés à la main dans le cabas kingsize du hard-discount le plus proche & arrivent à le transformer (le cabas, pas le hard-discounten ballot prêt pour la route de la soie...)

(... mais AVANT le sas AVANT le peigne AVANT le slip propre & essoré à raideur cadavérique JE NE SAIS PAS comment on se lave dans le réduit des toilettes de la bibliothèque municipale de L... JE NE SAIS PAS comment on arrive à tenir où on pose les vêtements sales & où les propres COMBIEN il faut de doses de savon liquide du distributeur pour astiquer le corps entier S'IL EST seulement POSSIBLE de se nettoyer correctement les fesses le sexe le périnée & de les maintenir assez longtemps à hauteur du lavabo en se hissant sur la pointe des pieds pour rincer correctement les poils & les faire dégorger leur jus savonneux SANS transformer le réduit en piscine olympique...)

(... & JE NE SAIS PAS quelle adresse demande le fait de se tenir debout sur ses chaussures repliées & ne pas se choper de mycoses dans cette salle des pas perdus rupestre d'1 m² NI si on arrive à oublier les mains sous le filet d'eau chaude que les aisselles ont déjà refroidi NI si on arrive à s'oublier soi-même à faire le vide à être sous la douche QUAND même & à bander doucement comme ça pour soi-même & à se taper une petite branlette doucement comme ça pour soi-même malgré les bites & les têtes de mort & les svastikas gravées sur les murs ça JE NE LE SAIS PAS non JE NE LE SAIS PAS & JE NE LE SAURAI SÛREMENT JAMAIS...)

 

(... & je...)

(...me prétends de gauche...)