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13/10/2013

Fin de série VI - les clés

Rends-toi à l'évidence, tu ne comprends rien à ce mec. Tu voudrais bien, mais il y a les autres qui te regardent. Et puis il faut rentrer. Il va bientôt faire nuit. Tu mourras pas ce soir. Tu mourras pas pour savoir ce que ça fait d'être lui, de s'afficher avec lui. Et d'être regardé.

La seule chose qui ne fait aucun doute, c'est que tout ce qu'il raconte, tu le connais déjà. Le monde et ses yeux. L'exclusion. Sa bave. Et puis la classe. Crever au pilori plutôt que d'être dans les gradins avec ceusses qui rient. Bien sûr bien sûr. Mais ce que tu ne diras pas, c'est comment toi aussi tu es passé de l'autre côté.

Depuis la naissance des triplés.

Toi aussi, maintenant, tu es celui qui a laissé ce monde avec les clés dessus et bonne chance aux suivants pour s'en démerder.


(Petite prose en avant-poste d'un travail en cours...)

11/10/2013

Seedy

 

Seedy, portoricains, salsa, maïs grillé, craps, the vulture, le vautour, gil Scot-Heron


Tu m'as rien dit, Seedy. Tu aurais dû le faire. Je n'ai pas cru à ton cirque. Te faire passer comme ça pour le super-caïd, un peu veule, un peu sournois, prêt à laisser tes femmes et tes enfants partir en préférant ton business de poudre...

Je sais que ce n'était pas pareil, alors — ça se passait entre les pages du bouquin que j'avais sur les genoux, mais ce n'est pas une raison — les Portoricains sont connus pour leur sens de la famille, ou non ?

Un peu veule, un peu sournois, un peu bête aussi. Du genre à te faire buter trop facilement. 

Tu sais, je n'y ai jamais cru. 

Tous les autres avaient un coeur. Tous les choses avaient quelque chose à perdre, en-dehors du fric et de la face — et tous les autres avaient une raison de haïr quelqu'un. Mais alors de haïr vraiment — c'est-à-dire passionnément, avec attention, le contraire du mépris.

Tu me diras que tout ça c'est des mots. Que forcément, tu étais le seul Portoricain, que c'était un roman de Négros. Mais Seedy, la lâcheté, la veulerie, la bêtise, l'appât du gain, ce sont des mots aussi. Et je ne peux pas te réduire à ça, ni à la salsa qui filtre de toute les portes de votre quartier, à la tombée du jour. Ni aux parties de craps ni au maïs grillé. 

Il y a forcément quelque chose qui résiste. Qui ne peut se réduire aux mots, à la salsa, ni au maïs grillé. 

C'est la douleur. 

Et la capacité de chacun à se sentir comme une petite merde dans un monde où TOUS LES AUTRES ont compris quelque chose mais on ne sait pas quoi.

C'est peut-être la définition de la sainteté. Ou de la dernière abjection avant l'animalité. Ou des samedis soir de déprime, tout simplement.

Alors, non, je ne t'ai pas cru, Seedy.


Texte inspiré par la lecture du roman de Gil Scot-Heron, The Vulture, 1970.

08/10/2013

En accroire ou pas

des discussions sur l'art

encore des discussions sur l'art

elles m'ont coûté plus de neurones

que dix ans de bière premier prix


on a des beaux mots

on est intelligents

etc etc

mais comme dit quelqu'un que je connais

c'est pas que j'y croie

mais c'est sympa de tirer un coup de temps en temps

et puis il y a des canapés au saumon


des discussions sur l'art

des mots sur l'art

des phrases

tout ce qu'il nous donne tout ce qu'il nous coûte

la limite de l'époque

et notre localisation exacte

les va et vient du langage entre que dalle et rien

et les cacahuètes

et le vin rouge à la tireuse

et les poignées de mains

et les tapes sur l'épaule


je ne sais toujours pas si le poète est celui qui passe foudroyé par son époque

en s'incarnant au petit bonheur dans tel ou tel

j'aurais tendance à penser qu'il est surtout celui qui fait péter le réveil à 7 heures du mat

et termine son oeuvre définitive en quatre quatre entre les couches et le métro

quoi qu'il en soit

tant qu'on ne m'aura pas prouvé qu'un adolescent mutique a renoncé à son projet de suicide à cause de ce que je fais

je ne serai sûr de rien