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19/12/2019

Jean-Claude requiem XI

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Pendant que je – pendant que nous – abordons ces hauts enjeux spirituels le corps de Jean-Claude de son côté n’a pas fini ses aventures.

 

Etre la personne au monde la plus facile à dessiner n’est pas très bon signe.

Surtout si on ajoute : selon les standards de la bande-dessinée franco-belge pour la jeunesse des années 50.

On parle de Jean-Claude : sphérique.

On parle d’un homme : d’un mètre soixante-quinze environ.

Pour cent cinquante kilos.

A vue de nez.

Un jour je sors du boulot je croise Jean-Claude en civil – pour la première fois en sept ans.

Un : homme en civil quoi de plus normal quoi de plus ordinaire.

Sauf que c’est Jean-Claude, Jean-Claude en arrêt-maladie, jambes enserrées dans une sorte de collant de contention géant qui lui fait comme un plâtre en textile.

Il est en arrêt maladie, j’apprends.

Un : homme en arrêt quoi de plus normal quoi de plus ordinaire.

Nous nous sommes battus pour qu’il en soit ainsi, pour que la sécu la mutuelle du boulot fassent leur boulot.

Comme deux très vieilles déesses domestiques dont on n’a pas de mythe.

Mais dont le culte relève des gestes quotidiens – ceux qu’on n’oublie jamais, ceux qui rassurent : deux fées.

Nous nous sommes battus, enfin, nous : des camaradesau XXe siècle après un conflit mondial à une époque où le parti communiste français engrangeait 25% de votes, merci à eux.

Est-ce que Jean-Claude a déjà participé à une seule manif, je l’ignore et à vrai dire en doute.

Lui qui mieux que personne avant et après incarna la gueule de l’agent technique municipal dans l’imaginaire collectif mais :

Lui qui volontiers utilisait le terme fonctionnairecomme une injure lui qui

De toute façon n’avait jamais le temps jamais le cœur.

 

Jean-Claude en arrêt maladie c’est beaucoup plus qu’un simple travailleur en arrêt maladie, je le sens tout de suite même si je ne me l’avoue pas sur le coup : un

homme piégé sur deux poteaux cylindriques

qui ne semblent plus avoir grand-chose à voir avec la locomotion

qui ne semblent plus avoir grand-chose d’organique.

Tout ça sent déjà une odeur légèrement inhabituelle, que je ne parviens pasque je n’ose pas trop interpréter : quelque chose qui s’accélère, qui va vers, qui va vers.

 

Un clignement de paupières, un plan de coupe sur l’arrêt de bus en travaux, une ellipse : Jean-Claude meurt Jean-Claude est mort.

 

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