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13/11/2017

Guerre sale (31 cartes postales)

Leur arracher les ongles. Enlever à la soude les traces de vernis.

(Kevin, 5 ans)

 

Leur maintenir la tête sous l’eau et leur facturer les bulles d’air.

(Léa, 6 ans)

 

Leur arracher les dents, une à une. Et puis les nourrir avec des chips.

(Redouane, 9 ans)

 

Leur faire le cuir chevelu au couteau électrique de la dinde de noël (mais pourquoi un couteau électrique rien que pour la dinde de noël ?).

(Maya, 7 ans)

 

Leur faire faire des cheveux jusqu’à ce qu’ils s’arrachent les cheveux. Et puis. Se moquer de leur calvitie.

(Louise, 10 ans)

 

Faire semblant de dormir, attendre. Et quand commencent les bruits de bisous, se réveiller en hurlant.

(César, 3ans)

 

Les faire travailler, et puis après conduire, et puis encore travailler, et manger sans mâcher, et puis pas faire la sieste, et puis retravailler, et coucher les enfants, et acheter une maison, lentement, mur par mur, plinthe par plinthe, interrupteur par interrupteur, et encore retravailler, et aller à la banque, et acheter une voiture, et travailler, (bouton par bouton, phare après phare, roue par roue) et travailler, et reprendre la voiture, et se coucher quand tout le monde dort, et après leur dire qu’ils doivent se doucher sans toucher leur zizi.

(Inès, 7 ans)

 

Leur mettre une chanson toute la journée dans la tête. Leur apprendre que le premier couplet.

(Gabriel, 4 ans en septembre)

 

Leur parler de l’amour. Leur montrer qu’ils en manquent. Et puis couper la connexion.

(Milo, 7 ans)

 

Allumer la télé le matin. Les faire manger devant.

(Mario, 8 ans)

 

Leur reparler de l’amour, leur montrer une belle voiture leur dire que c’est ça.

(Fatou, 7 ans ½)

 

Leur donner une petite tape sur l’arrière de la tête pour qu’ils chantent plus fort.

(Léonid, 5 ans)

 

Raconter une blague arriver juste avant la chute et là leur dire « maintenant, au lit ! ».

(Théo, 5 ans)

 

Les appeler PAPA, MAMAN, le temps qu’ils s’habituent. Leur faire un gros bisou, mais pendant, penser à ce à quoi ils ressemblaient quand ils avaient vingt ans. Pousser un gros soupir.

(Angelo, 6 ans)

 

Attraper du mazout avec les doigts de pieds… du sucre rose dans les cheveux… du sable dans le téléphone… des crottes de nez dans les churros… vomir sur la banquette arrière… hurler toute la nuit à cause des coups de soleil… disparaître deux heures sur la plage… envoyer le ballon sur l’apéritif du voisin de camping… celui avec le doberman… attirer les moustiques… se balader dans les rochers… pleurer pour une balade en mer… et plus vouloir pédaler… baisser leur slip de bain au moment où ils parlent avec la jolie dame… vomir sur l’aire d’autoroute… perdre leur tong gauche, toujours la gauche… pleurer pour une balade en âne puis avoir le mal de terre… ne pas digérer les palourdes… leur rappeler que c’est leurs seuls congés et qu’ils ont payé pour ça…

(Léna, 5ans)

 

Les faire évoluer dans un monde à deux dimensions. Leur dire qu’il ont grossi.

(Oleg, 8 ans ½, a la bosse des maths)

 

Chuchoter sur leur passage, et puis se taire. Et puis pouffer.

(Brigitte, 9 ans)

 

Les coincer devant le miroir de la salle de bains, leur dire : Perds 10 kg, on reparlera de cette histoire de complexe d’ Œdipe.

(Cyprien, 4 ans ½)

 

Traîner leur coupe menstruelle sur le sol des toilettes de la gare, contre les barres du métro, les poignées des portes du centre commercial, puis la remettre soigneusement à sa place et suivre l’évolution des organismes.

(Josef, 7 ans, intéressé par la biologie)

 

Leur faire passer des radios, des IRM, des scanner. Toutes les semaines, jusqu’à fin novembre. Entourer au feutre fluo les plus belles et les plus grosses cellules. Et à l’état des lieux, cocher la case « usure normale ».

(Jean-Yves, 10 ans)

 

Les enlever des photos, les faire disparaître des répertoires, des réseaux sociaux. Scientifiquement prouver qu’ils n’ont jamais existé.

(Matéo, 9 ans)

 

Jouer avec ce joli mot : dépression. Sous leur nez, pour leur faire envie…

(Jawad, 7 ans)

 

Après, bien regarder comment c’est. Dans leurs cheveux, dans les poils de nez. Dans les draps et les mouchoirs chiffonnés. Dans le balancement du corps. Prendre des notes. Tenir le journal. Attendre qu’ils aient enfin eu l’impulsion, la révolte, la pulsion de vie, qu’ils aient dit et puis (GROS MOT! qu’ils se soient acheté un blouson de cuir aux puces et la paire de Converse de leur jeunesse, ressorti la guitare électrique du garage. Et puis gentiment, tendrement, leur rappeler que le rock est mort.

(Liudmila, 7 ans)

 

Rien dire. Pas leur parler.

(Eliot, 4 ans)

 

Bloquer les gares. Bloquer les autoroutes. Et pour ceux qui diront « prise d’otage », les prendre au mot, un bâillon et une paire de menottes dans une cave.

(Charles, 7 ans ½)

 

Leur expliquer en bâillant qu’on comprend bien, mais qu’on n’a pas le choix, c’est l’économie.

(Tahar, 9 ans)

 

Leur dire que c’est pas la peine de chialer, ils se rattraperont à la retraite.

(Luna, 10 ans)

 

Les coincer devant le miroir de la salle de bains. Avoir l’air désolé.

(Wanda, 3 ans ½)

 

Remettre le débat sur la fin de vie. À demain. Si on a le temps.

(Léa, 12 ans)

 

Toujours bien préciser que c’est pour leur propre sécurité.

(Margaux, 10 ans)

 

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