31/12/2012
Merci pour la cigarette
Pourquoi je parle d'Espérance ? Parce qu'hier soir un mec a essayé de me vendre la sienne.
Alors que je sortais du boulot.
Spammé en pleine ville, que j'ai été.
Et quand je dis un mec, je veux dire un Sage.
Et quand je dis un Sage, je veux dire un concurrent sérieux de ma petite franchise de Messies.
Et quand je dis un concurrent, je veux dire un supplicié qui porte ses stigmates dans sa bouche.
Il dit :
- Vous devez être jeune, vous. Combien ? Ah, oui. Moi, j'ai 39 ans.
Il dit :
- Dont 17 ans dans la rue.
Et il sourit, et c'est là qu'il se révèle : la sainteté chez lui a commencé par les incisives. Je flaire le génie marketing. Deux dents qui manquent, des années de rue, c'est impardonnable dans certains milieux bien élévés. Mais moi j'ai une gueule de gauche, et mon Messie a l'esprit volontiers paradoxal. Surtout à l'approche de la période des fêtes. Il ouvre les bras.
- Vous savez, avec l'Espérance, on peut tout faire. On maîtrise les méchants, on maîtrise les gentils, on maîtrise les orgueilleux, on maîtrise les sages, on maitrises les hommes de bien, on maîtrise les hypocrites. On maîtrise l'avenir. On maîtrise le passé. Vous, l'Espérance, vous l'avez ?
moi non
je n'ai que mon poème
je l'ai dressé à l'attaque mais ne vous inquiétez pas
il ne mord pas mes amis
- Alors je dois être content pour vous, je suppose. Vous êtes d'accord avec ça ?
- Volontiers, je dis. S'il n'y a pas de supplément pour les frais de port.
- Oh mais, jamais de la vie, pour qui me prenez-vous ? Si j'avais de mauvaises intentions, je vous aurais déjà envahi les écrans de télé pour mes voeux présidentiels.
Et puis, se ravisant :
- Quoiqu'il y ait toujours cette grande braderie, en fin d'année, aux voeux présidentiels. Sur l'Espérance, ils en font des tonnes, des - 70, des - 80% parfois. Mais... Ce n'est pas toujours reluisant question transparence et traçabilité, n'est-ce pas ?
- Je suis bien d'accord avec vous, dis-je. Mais il y a l'image. Beaucoup de gens que ça rassure.
...
Le stigmate de sa bouche fait un pli. Il dit :
- Oui, c'est bien ce que je craignais. Alors, vous croyez qu'on est repartis pour une année supplémentaire ? Je veux dire... Encore la même, avec les mêmes, aux mêmes places, et sans possibilité de trouver une galerie d'art ouverte au milieu de la nuit ?
Il me faisait de la peine. J'ai dit :
- Vous devriez fonder une religion, vous savez. Beaucoup d'investissement au début, mais l'avenir est à vous. Vous avez la carrure. Vous avez du bagout. Vous avez la gueule et le trou. J'ai un train à prendre, mais, n'était cette circonstance, j'aurais été le premier de vos disciples.
Il a souri. C'était maintenant un gentil petit gouffre tout mignon, sa blessure-gueule.
- Je suis très touché par ce que vous dites. Je vous souhaite un bon voyage. Et merci pour la cigarette.
13:05 Publié dans Bouts de peau | Tags : espérance, messie, cigarette, voeux présidentiels, braderie | Lien permanent | Commentaires (0)
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