19/05/2017
Gratos XVII
Adrien Dubosc.
Alexandre Naussac.
Elio Canestri.
Tanguy Gicquel.
Eddy Aubert.
Mathieu Schiller.
Alexandre Rassiga.
Stéphane Berhamel.
La jeune Sarah.
Fabien, 40 ans.
Eric Dargent.
Olivier Shorebreak.
Victimes de la beauté.
Le mercredi 14 décembre 2016, dans un centre commercial de Givors (69), le binôme de mon binôme fait un accident vasculaire cérébral.
Ce sont des choses qui arrivent.
Que sais-je de lui ?
Qu'il se tapait des boîtes de cassoulet de 800g deux fois par jour.
Qu'il jouait du piano et qu'il avait une tendance à la mélancolie congénitale, entretenue fidèlement par une tendance des femmes de sa vie à se casser subitement ne laissant derrière elles qu'un demi-bâton de rouge à lèvres et une assignation du juge des familles.
Que la dernière, avant de partir, a eu l'élégance d'appeler le Samu dès l'apparition du rictus caractéristique, et de lui éviter l'hémiplégie.
Elle a été aide-soignante.
Pour le reste, il n'est plus qu'un nom dans une liste, une épine pour secrétaire administrative, un chemin de croix de la DGRH pour rédiger mes contrats, une cause majeure de la déforestation à destination de la fabrication de feuilles de soin.
Et il ne répond pas aux textos.
Mon binôme ne comprend pas. Ni Jérôme, ni Brahim, ni Jean-Claude.
Et je reste comme suspendu ; son absence enkystée, son casier au vestiaire scellé, et moi, le pied dans le vide, ne sachant trop à quel point il me faut exister.
Un mauvais rhume surfant dans mes conduits.
Se diffuse mollement, descend dans la gorge, anoblit les bronches, pétille au larynx.
Les glaires que je crache toute la journée prennent un goût sucré et jouent leur gamme chromatique comme à la roulette.
J'ai des assoupissements.
C'est de la boue. Il est toujours six heures du soir et quelque chose nage à côté.
Puis je me réveille.
Puis : le docteur me donne un visa pour deux jours au pays des merveilles.
Deux jours de brouillard et de lit à confondre les draps avec les kleenex avec les ordonnances.
Je reviens. J'encaisse la tournée de 7 heures avec une fin de batterie. Aller, je chante. Retour, mes vêtements affalés sur le tableau de bord avec presque pas moi dedans.
Danse le quai de déchargement.
Et.
Le mercredi 13 avril 2017, le binôme de mon binôme (moi) met le pied entre le quai et la plateforme du monte-charges.
Je termine la journée malgré l'hématome qui s'arrime du fessier au genou.
Toute la cuisse gauche.
Gonflée d'un sang noir.
Mais ça, je ne le saurai que le lendemain, dans un cabinet médical bien connu.
En attendant je trier, écharpe et passe-montagne.
Je ne produis pas d'autre son qu'un claquement de dents retors qui épouse les rythmes de la radio.
Chérie FM.
MFM.
Julien Doré.
Et la pub. Même la pub.
Mon binôme ne s'en fait pas.
Ça fait trois semaines que je n'ai pas ouvert la bouche.
Il ne s'en est pas rendu compte.
20:30 Publié dans fins de séries, Gratos | Tags : gratos, le binôme de mon binôme, accident du travail | Lien permanent | Commentaires (0)