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08/05/2020

King jouet


 

Cher monde cruel,

Avant de nous revoir en chair et en os, un petit extrait de mon recueil Un peu plus ample un peu moins moche, tragiquement paru chez Vanloo deux jours avant ce-que-tu-sais.

Filmé at home, entre la poire et le salon, commandable dans toutes les bonnes librairies ou sur le site de l'éditeur, si tu habite la diagonale du vide.

03/05/2020

Notes de voyage III

En ce moment, sournoisement une image m'obsède.

(Attendez une seconde, vous allez pouvoir vous foutre de ma gueule.)

Je vois - je sens - distinctement

un kyste

ou un bubon ou un abcès

je ne sais pas ce qu'en disent les médecins ou le populo, mais :

une boule, rigide et emplie de pus.

Au début on ne sait d'ailleurs pas que c'est du pus :

on pense à un os supplémentaire qui aurait poussé dans une région mysérieuse

et rendue difficile d'accès à cause de l'os du coccyx.

On pense aussi tumeur, on pense aussi cancer,

on se demande encore s'il s'agit de deux mots pour une même chose

vraiment nos connaissances en médecine sont pitoyable.

S'en suivent trois jours souffrance totale.

Au début on s'assoit ont dérouille.

Puis c'est le vautrage qui pose problème.

Au bout d'un moment, debout couché, toutes ces positions qu'on nous enseigne d'une voix de stentor

deviennent des cocons de couleurs qui nous recouvrent instantanément.

On en ferme les yeux on en pleurerait,

on se sentirait presque isolé et protégé du monde extérieur

tellement cette douleur constante nous porte ailleurs dans la galaxie.

Puis un jour, par la seule force d'un regard (on suppose qu'il y a de l'amour)

la chose éclate et ce sont des flot de pus

(moitié rouge moitié translucide - souviens-toi, comme lorsque la sage-femme

a percé ta poche, il n'y a pas si longtemps)

on sait que la substance sera longue à s'écouler

on pourrira trois slips et puis et puis

et puis les douches deviendront très complexes pendant un moment.

Mais le principal : la douleur est fini. C'est comme une vertigineuse, exquise et bancale onde de rien qui nous berce tout le corps

et deux-trois heures d'euphorie.

En réalité le corps est revenu : et le monde extérieur, et notre place exiguë dans la galaxie.

On est rendus à la même merde que tout le monde.

Mais bien sûr, par un fâcheuse déformation de poète,

nous essayons à tout prix d'y voir quel que chose

de l'ordre de la métaphore.

(La société ? L'être ? La question de l'ego ?)

En fait il ne s'agit de rien d'autre que ça :

la douleur, et la fin de la douleur.